La renrée scolaire me soûle
Et c'est reparti! Pendant quelques jours on ne parle plus que de ça : y aura-t-il assez de profs? pourra-t-on accueillir tous les élèves? la énième réforme du bac, les mystères de Parcoursup, et pour brocher sur le tout cette année, les écoles brûlées et l'abaya (qui semble avoir fait un flop pour l'instant). Parlez d'autre chose, messieurs (et mesdames) les journalistes : la Crise, l'Ukraine, notre déconfiture en Afrique, les gens qui s'appauvrissent, même de la rentrée littéraire, ce marronnier; mais moi, la rentrée des classes, je m'en tamponne le coquillard. Et pourtant...
Je n'ai pas de mauvais souvenirs de ma scolarité, de mes rentrées au 1er octobre dans mon école de village avec ses 2 classes, sa cour, son tas de charbon et ses 3 marronniers, de nos parties de barres ou de billes sous la surveillance des 2 instituteurs qui sifflaient au sens propre la fin de la récréation. j'étais un bon élève promis au lycée quand la plupart de mes camarades s'arrêtaient au certif. J'arrivai donc ensuite au lycée où l'internat fut pénible, du moins les premières années car la discipline s'assouplissait au fur et à mesure que nous vieillissions. En tout cas la plupart des cours me plaisaient et je garde un excellent souvenirs de tous mes profs de français, d'histoire, d'anglais et même de certaines matières scientifiques, je me souviens encore de leurs noms et je n'ai pas quitté le lycée sans une certaine nostalgie j'ai même été un peu triste quelques années après de le voir ravalé au rang de collège. Et l'histoire ne s'arrête pas là puisque je suis devenu prof moi-même. C'est peu dire que je n'avais pas la vocation. J'aimais la littérature mais n'avais aucun désir de faire partager cette jouissance. Comme un certains nombre de mes condisciples en fac j'avais rêvé d'être journaliste, mais n'ai fait aucun effort pour y arriver. Les "vocations" ne sont pas mon fort...J'ai donc suivi la pente - la fac, quoi qu'on dise, forme avant tout à l'enseignement - et suis devenu prof. Pour rendre la potion moins amère...mais non, elle ne l'était pas, je me sentais bien avec les élèves et j'espère ne pas les avoir trop ennuyés, leur avoir fait découvrir des écrivains et même, qui sait,aimer le latin. J'ai triché un peu quand-même en passant un certain temps à l'étranger où les conditions de travail étaient plus douces. Puis un jour j'en ai eu vraiment marre de parler sans cesse. C'est bien tombé, on a créé cette année-là le capes de documentation et je suis devenu une sorte de bibliothécaire, ce qui m'a permis de glisser doucement vers la retraite, d'autant que j'ai profité d'une longue CPA (cessation progressive d'activité : on travaille à mi-temps mais on est payé à 80%. Vous n'imaginez pas de quels privilèges bénéficient les profs...). Et quand la retraite est arrivée, coupure brutale. La consommation frénétique de films, la boulimie de lectures, voyages et randonnées, m'ont bien vite coupé de mes années à l'Education nationale. Pour dire les choses brutalement, l'avenir intellectuel et professionnelle des générations montantes me laisse indifférent (ma seule excuse étant de n'avoir pas procréé, mais elle est bien piètre). ChatGPT, l'illettrisme qui gagne, les lycées-poubelles, l'effacement de la littérature, le harcèlement, l'insécurité, je me tiens tout juste au courant mais ça ne me touche pas de près. Les déplorations continuelles et sans nuances, les mêmes réformes sous une autre étiquette, ça m'est devenu insupportable. Mais je crois que ce qui l'est encore plus, c'est l'angoisse des "parendélèves" - décuplée chez leurs rejetons - qui font des sacrifices insensés pour un résultat très incertain. On a envie de leur dire "Laissez les vivre et fichez leur la paix".Non, décidément, je n'hésite pas à cracher dans la soupe qui m' a nourri et pour un peu j'entonnerais "Les cahiers au feu et les maîtres au milieu".