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Causons derechef
18 mars 2018

Salisbury, nid d'espions

          Un espion sur un banc

         Dans la ville de Salisbury

         Un despote pas content 

         Dans la sainte Russie

                Couic

Ce mauvais limerick pour évoquer l'affaire Skripal, cet ex-espion russe victime, avec sa fille pour faire bonne mesure, d'une tentative d'empoisonnement dans une petite ville pittoresque du Wiltshire (ne se croirait-on pas dans l'univers des Forsytes ?). L'affaire a pris des proportions inattendues et la mauvaise foi des uns et des autres, leur façon de rouler les mécaniques avant de s'aplatir comme une crêpe laisse pantois. Examinons d'abord le prétendu mystère de cette mort. Tout désigne Poutine comme le donneur d'ordre : difficile de le prendre pour un grand humaniste, une longue carrière au KGB lui a appris à se débarrasser des gêneurs et à ne pas hésiter à tuer quand c'est utile, et surtout on peut parier qu'il contrôle directement ses services secrets. Ajoutons que le modus operandi est un tradition des pays de l'Est : on se souvient du parapluie bulgare et plus récemment du thé au polonium. De plus la Russie est la seule à fabriquer ce produit. Les tueurs de Poutine en affectionnent un autre, si on en croit un article du "Monde" qui recense les morts suspects de citoyens soviétique en Angleterre : la chute fatale d'une grande hauteur à la suite d'une bourrade dans le dos aussi énergique qu'amicale. Oui mais, me direz-vous, pourquoi avoir tué cet espion retourné qui, quelque temps auparavant, avait servi de monnaie d'échange et était complètement brûlé ? C'est tout bête : sa mort est un avertissement, pour ceux qui seraient tentés de trahir, voire pour certains des nombreux oligarques qui vivent à Londres et qui n'appartiennent pas au clan Poutine. Comme on pouvait s'en douter les poutiniens français sont immédiatement montés au créneau pour défendre leur idole. Militants du FN, débris du PC, patriotes à tous crins, plus sensibles à l'idée de patrie qu'à la défense de la leur, anti-américains et anti-européens forcenés ont hurlé à l'antisoviétisme primaire, ont dénoncé la russophobie, ont exigé une enquête sérieuse avant de porter une telle accusation, comme si le Kremlin était prêt à ouvrir ses portes à des magistrats anglais. Certains n'hésitaient pas à y voir la main de la CIA qui, la pauvre, dents et griffes rognées après ses brillantes analyses sur l'Irak, est bien incapable de monter une provocation, ou ont évoqué la Guerre froide. Quant à Moscou elle a traité l'affaire par le mépris : l'espionnage n'est pas un jeu de gentlemen - Le Carré vous le dira - et en liquider un n'est pas une affaire d'état même s'il y a des dégâts collatéraux.

Le problème est que Theresa May a fait monter la mayonnaise. Avec un Brexit qui s'enclenche mal, une situation sociale qui se dégrade, elle a cru trouver un excellent dérivatif en jouant sur le patriotisme des Anglais. Elle est montée sur ses grands chevaux en dénonçant la scandaleuse atteinte à la souveraineté du royaume que constituait ce crime, elle en a rajouté en dénonçant la première attaque chimique d'une puissance étrangère sur le sol anglais et a enfin menacé le gouvernement russe qu'elle tient pour responsable : on allait voir ce qu'on allait voir s'il ne s'expliquait pas ! Ses collègues européens lui ont emboîté le pas, sans zèle excessif, faut-il préciser. Les Russes ont rigolé et les sanctions ont dégringolé : 25 diplomates expulsés. Les Russes ont ri encore plus fort : "Nous, ça sera 25 Anglais, la fermeture du British institute de Moscou et pas d'ouverture de consulat à Saint Pétersbourg ". La partie de poker peut durer longtemps, chacun surenchérissant sur l'autre. Évidemment ce ne sera pas le cas, la mort d'un petit poisson (en fait il est encore vivant et je lui souhaite ainsi qu'à sa fille de s'en sortir) ne mettra pas l'Europe à feu et à sang, l'affaire a déjà fait pschitt...Sans compter que la City sera bien contente de pouvoir continuer à blanchir l'argent des oligarques et à leur vendre de somptueuses demeures dans les quartiers les plus huppés. Much ado  about nothing, comme disait le Barde. Je ne suis pas sûr que cela donnera même un de ces bons petits films d'espionnage comme les Anglais savaient si bien en faire dans les années 60, pourtant on a tous les ingrédients : trahison, poison, échanges de prisonniers sur un terrain militaire discret, mort mystérieuse dans la campagne anglaise...Tout ça est passé de mode. Dommage.

 

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