Le boycott des cérémonies du 9 mai sur la Place rouge, mesure toute symbolique qu'ont prise la plupart des dirigeants occidentaux, a suscité l'ire des internautes sur les réseaux sociaux. Avec le contingent habituel d'invectives et de fautes d'orthographe, ils ont dénoncé l'injure faite à Poutine et à son grand pays à qui nous devrions une reconnaissance éternelle pour sa victoire sur les forces du Mal. A croire que, de même qu'à un moment nous sommes tous devenus gaullistes, nous sommes tous maintenant poutiniens.

L'extrême-droite d'abord, dont la vertu première qu'elle prête au dirigeant russe est le patriotisme, vertu qu'elle ne partageait guère pourtant dans les années 40, rêvant de la "grande Europe" derrière Hitler. Il est vrai que l'antiaméricanisme trouve toujours écho chez elle ("Wall street entre les mains de Juifs"). De plus elle est fasciné par l'homme à poigne, qui supprime les libertés, dompte l'opposition, muselle les intellectuels et arrive à ses fins par un mélange de force et de ruse digne de Machiavel, que la droite a toujours admiré. Et je ne parle même pas d'un financement occulte de ses troupes qui fait de moins en moins de doute.

Les "cathos-tradi" eux saluent le contempteur de la civilisation occidentale décadente avec son mariage gay, son lobby pédé, ses femmes inséminées comme des vaches. Ils regardent avec envie un pays où l'Eglise est toute puissante, même s'il s'agit de schismatiques. Ils s'émerveillent avec nostalgie des icônes dorées brillant à la lueur des cierges, des volutes d'encens, les chants traditionnels, dans cette église orthodoxe qui a retrouvé sa puissance, sa gloire, et son faste dont ils ont été privés par Vatican II.

Les gaullistes-canal historique sont aussi atteints. Ils partagent avec la Russie l'antiaméricanisme et le patriotisme, se souviennent de l'escadrille Normandie-Niemen et rêvent toujours de l'Europe de l'Atlantique à l'Oural excluant les Anglais inféodés aux Yankees.

Enfin il semble que pour l'extrême-gauche la Russie soit encore la "patrie du communisme" que fut la défunte URSS, même si personne n'ignore le pouvoir des oligarques et leur richesse insolente. Les débris du Pcf songent avec nostalgie aux grands jeux et aux défilés quand ils étaient "Faucons rouges", à "Vaillant" guetté chaque semaine, aux vacances au bord de la Mer noire si papa était un cadre proche de Maurice, aux congrès internationaux de jeunes pour la Paix où on se mélangeait aux camarades des pays frères dans tous les sens du terme. La Russie a pour eux le parfum de l'enfance et ils sont reconnaissants à Poutine d'entretenir l'illusion en conservant de l'URSS nationalisme et impérialisme.

Seuls à ne pas succomber à la fascination, n'y aurait-il donc que les Centristes dont on sait qu'ils sont vendus aux Amerloques depuis toujours, les sarkozystes et les sociaux-traîtres du PS ? Même pas. Un récent sondage nous a appris que 85% des Français (j'ai bien dit Quatre-vingt cinq !) veulent un chef pour remettre le pays en ordre et en marche. Un chef c'est quelqu'un qui mène sa moto comme Marlon Brando dans  La horde sauvage et non un froussard qui monte à l'arrière d'un scooter avec un casque intégral, c'est un homme, un vrai, qui peut faire du cheval torse nu sans que le public compte les pneus, une ceinture noire de judo et non une ceinture de flanelle, un qui peut tenir une tigresse dans ses bras (et, non je ne parle pas de Valérie T.). En 1981 certains craignaient l'arrivée des chars russes à Paris, eh bien ils peuvent venir. Que Poutine n'ait pas peur, non seulement il ne rencontrera pas de résistance mais la population lui fera un triomphe et se roulera aux pieds du vainqueur.