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Causons derechef
11 juin 2023

Les premières communions

    Vraiment, c'est bête, ces églises de villages

    Où quinze laids marmots encrassant les piliers

    Ecoutent, grasseyant les divins babillages,

    Un noir grotesque dont fermentent les souliers...

         A. Rimbaud

Le Rimbe avait la dent dure, un siècle a passé et ma communion n'a pas été aussi caricaturale...Mais je devrais dire "mes communions", car j'en ai connu trois...Ce qu'on appelle improprement la "première communion" est précédée chez les catholiques d'une sorte de galop d'essai sans cérémonie : la communion privée qui a lieu aux alentours de 8-9 ans. Il s'agit, j'imagine, de sauver notre âme noire guettée par Satan qui ne dort jamais. On y apprend essentiellement comment ingérer l'hostie sans qu'elle colle au palais et surtout à ne pas la mordre, c'est quand même le corps du Christ et selon certaines superstitions (que rejette l'Eglise, je tiens à le préciser) votre bouche se remplirait de sang... Mais l'affaire sérieuse est la communion dite "solennelle" qui ne le fut pas tellement pour moi puisque j'en ai connu deux. Je m'explique. Je venais d'entrer en 6ème au lycée de la ville voisine où j'ai suivi cette année-là dans l'établissement les cours "d'instruction religieuse" ("petits messieurs", nous laissions aux paysans le mot "catéchisme"). Je sens monter votre colère, ô laïcards, j'étais dans un lycée public, et l'ennemi était dans les murs. Fort logiquement je devais faire ma communion sous la direction de l'aumônier avec mes camarades dans l'église voisine. Mais mes parents, craignant que mes camarades d'école primaire, et surtout leurs parents (des clients...) ne se sentent snobés, demandèrent une nouvelle "première" communion au village, ce qui ne posa aucun problème théologique...Il y eut une "retraite" dans une abbaye voisine, qui fut avant tout une occasion de quitter le lycée une journée, de pique-niquer sous les arbres d'un très beau parc et de tirer - Dieu me pardonne -quelques bouffées de cigarettes, les premières. Puis, comme au théâtre, il fallut répéter la cérémonie : comment se placer, avancer, tenir son cierge...(il me semble bien que nous en tenions un). Je garde peu de souvenirs de la messe elle-même sinon que nous avions tous revêtu une aube  qui nous rendait tous semblables et nous épargnait le ridicule de nos premiers costumes. Je me rappelle vaguement que les filles de l'autre lycée portaient un voile blanc sur la tête. Je suppose que je suis allé au restaurant avec mes parents qui m'ont ensuite ramené au lycée. Une semaine après je remettais ça et ma retrouvai tout de blanc vêtu dans l'église de mon village, laide et familière : son harmonium dont jouait une vieille fille de bonne famille, ses peintures murales célébrant les morts de la Grande guerre, ses statues sulpiciennes, ses bancs fermés. Un incident marqua les cérémonies : il fallait jeûner pour "recevoir le Christ", mais l'un d'entre nous, ou plutôt ses parents, alla au-delà de la prescription et vomit à son banc. Nous sommes sortis de l'église dans une joyeuse envolée de cloches avec des boîtes de dragées dont la tradition voulait qu'on les distribuât aux familles amies. Enfin ce fut le déjeuner traditionnel avec la famille proche et l'examen des cadeaux où se mêlaient sacré (missel, chapelet) et profane (ma soeur et moi eûmes un vélo, j'avais eu la montre pour mon entrée en sixième...). Il ne fallut pas traîner : on nous attendait pour les vêpres auxquelles on ne pouvait échapper un tel jour (elles furent pour ainsi dire les dernières auxquelles j'assistai, en quoi j'avais tort : les chants y étaient plus beaux qu'à la messe). Enfin, pour clore cette "belle journée" ma soeur et moi allâmes essayer nos vélos, et pour brocher sur le tout mes camarades catholiques et moi eurent droit à une journée de congé le lendemain. Au total, un bon souvenir même s'il n'a guère laissé de traces...

 

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