Laïcards vs curaillons
On croyait cette vieille querelle française morte et enterrée depuis des lustres malgré quelques soubresauts. Patatras, notre toute nouvelle ministre de l'Educ nat. l'a réveillée avec une déclaration aussi courte qu'incendiaire : elle avait retiré ses enfants du public à cause des cours non remplacés et les avait mis dans le privé où ils s'épanouissaient. Que n'avait-elle pas dit là! reprocher aux profs du public leur absentéisme, c'est chatouiller les naseaux du taureau, et que n'avait-elle pas fait! abriter sa couvée dans un établissement élitiste (100% de réussite au bac) où règnent la conversion forcée et une discipline militaire allant jusqu'à la brutalité. La gaffe était énorme, et ses prédécesseurs qui n'en pensaient pas moins (hein, Pape Ndiaye!) collaient discrètement leur marmaille dans le privé et fuyaient les questions indiscrètes. Faut-il incriminer la naïveté de la nouvelle ministre (je n'ose dire sa bêtise), qui n'était pas habituée à un public à l'épiderme si sensible? Peut-être, mais je me demande si la gaffe n'estt pas due à une attaque de lucidité quand elle a vu sur quelle galère elle mettait le pied : elle se mettait ainsi dans une situation qui l'obligeait à démissionner, et si elle ne l'a pas fait encore c'est que Macron fait un sacré forcing et, comme disent les sportifs, elle n'a pas le mental pour résister. Elle le paiera un jour, toutefois en ce moment c'est Stanislas qui prend des coups, mais les parents font le gros dos, les élèves n'ont aucune envie de se révolter et les rapports font pschutt pour la plupart. Dieu est à leurs côtés...
Depuis ma plus tendre jeunesse j'ai connu cette rivalité entre les deux écoles et je l'ai vu peu à peu s'estomper. Dans ma commune, à majorité catholique, coexistaient une école de garçons et une de filles laïques, une école religieuse de filles, plus quelques écoles de hameaux. Nous nous retrouvions au catéchisme le jeudi et le dimanche, au monument aux morts le 11 novembre et quand une cantine fut créée tous les écoliers se mélangeaient. Quelques familles très catholiques préféraient mettre leur garçon à la ville voisine, quelques bouffeurs de curés ironisaient quand ils voyaient le ventre d'une conventine s'arrondir, mais les esprits ne s'échauffaient pas sur le sujet. Le seul point de séparation était les commerçants auxquels un côté ou l'autre était fidèle, mais peu à peu, beaucoup fermèrent et cette différence disparut. Puis vint en 1959 la loi Debré qui permit aux établissements privés de signer un contrat avec l'Etat qui prenait en charge le salaire des enseignants. Il y eut un baroud d'honneur des laïques en 1960 au bois de Vincennes, mais les esprits ne tardèrent pas à se calmer et ce calme dura jusqu'à ce que Mitterrand (volens nolens, après tout c'était un ancien élève de Saint Paul d'Angoulême) rallume la mèche avec un projet de loi qui dressa contre lui les parents d'élèves catholiques qui organisérent en juin 1984 une immense manifestation à Paris et le projet fut enterré. Néanmoins je m'aperçus quans j'étais en poste dans des collèges de campagne qu'elle continuait "à la base". Beaucoup de Pegc (je vous parle d'un temps...)étaient des tigres féroces quand ils interrogeaient des élèves du privé pour des examens nationaux et j'avoue les avoir parfois provoqués en défendant les curés. Dans les lycées cette hostilité se manifestait très rarement. Et, de nouveau, les esprits s'apaisèrent et la coexistence pacifique règna. Mais c'est fini tout ça, une parole malheureuse aura été le brandon qui met le feu à la plaine, les Portes de la Guerre scolaire sont rouvertes. On verra bientôt de féroces sans-culottes mettre le siège devant Stanislas pour délivrer les malheureux élèves mis au cachot par leurs profs sadiques, on s'emparera de la ministre, on la tondra et on la promènera dans les rues de Paris; dans l'Ouest des guerrilleros arborant le Sacré-Coeur sur leur poitrine incendieront les écoles sans-dieu. Nous sommes à la veille de grands troubles et notre vieux pays va de nouveau se déchirer. Que Dieu ou la déesse Raison nous protège!