Fantasia chez les ploucs
Après une semaine les passions nées du drame de Crépol sont un peu retombées et on peut essayer d'y voir plus clair. Si ce qu'on constate n'est pas très rassurant, c'est sans commune mesure avec ce que certains ont cru y voir : une expédition de jeunes des "quartiers" pour tuer, ou au moins molester, des "gwers", les prémices, en quelque sorte, de la guerre civile annoncée entre indigènes et allogènes, entre Islam et chrétienté, qui de "côte à côte" se retrouvent "face à face" pour reprendre le mot du défunt Gérard Collomb. L'enquête et les arrestations ont été rapides mais le gouvernement qui craignait un regain d'émeutes après celles qu'on vient de connaître a mis les prénoms des assaillants sous le boisseau dans un premier temps, maladresse qui n'a fait qu'accroître les soupçons.
En fait il s'agit d'une toute bête bagarre comme il y en eut longtemps dans nos bals de campagne avant que ceux-ci ne disparaissent peu à peu, et celle-ci a dégénéré. Quelques jeunes des cités étaient déjà entrés dans la salle sans problème en quête de filles dont les privent dans leurs quartiers la morale islamique : pas question de s'attaquer aux "soeurs". On peut imaginer que leur insistance, leur drague un peu lourde, leur tchatche de citadins ont pu en importuner certaines. Il a suffi d'un incident pour mettre le feu aux poudres : un jeune rural a tiré les cheveux d'un "visiteur" en l'appelant "Chiquita". Que n'avait-il pas dit! Pour les jeunes Maghrébins qui passent leur temps en salle de sport, la virilité est la valeur suprême. Aussitôt insultes, bagarres, on sort pour mieux se battre quand soudain arrivent en renfort, peut-être convoqués par téléphone, deux voitures pleines de gars des cités qui entrent dans la foule à coups de pierres et de couteaux, injuriant les "Blancs" et les menaçant de mort selon certains témoins, puis ils s'enfuient, laissant derrière eux le jeune Thomas qui mourra dans l'ambulance.
Parce qu'un jeune plein de promesses est mort à 16 ans, l'émotion a été grande, mais ce fait divers a pris aussi une dimension nationale par les questions politiques et morales qu'il pose : immigration, cohabitation, racisme. Peut-on continuer à vivre et à "faire nation", pour reprendre une scie à la mode si les différentes communautés se regardent en chiens de faïence, défendent des valeurs incompatibles les unes avec les autres, ne fréquentent pas les mêmes endroits ? Je ne vois pas comment on pourrait se passer d'une politique d'assimilation qui passerait d'abord par l'école. Sinon ce sera la guerre de tous contre tous, les bandes contre les milices et au milieu Darmanin et ses successeurs qui compteront les points tandis que le mirliflore, ou celui qui viendra après, continuera à chanter "Tout va très bien, madame la marquise".