The Queen and I
J'étais haut comme trois pommes quand Elisabeth II a été couronnée et je n'ai pas vu la cérémonie à la télé que nous n'avions pas, mais je peux dire qu'elle m'a suivi toute ma vie. D'abord ce fut essentiellement grâce aux premières pages de "France-Dimanche" ou "Ici Paris", sans oublier "Point de vue-Images du Monde" qui inspira Frédéric Mitterrand et Stéphane Bern et "Paris-Match". Dans les deux derniers, on voyait Balmoral, le carrosse du sacre, le jeune et élégant couple royal, dans la presse du coeur on pleurait sur les peines de coeur de la très sentimentale soeur de la reine (se souvient-on de Tony Armstrong-Jones?...). On suivait presque pas à pas la scolarité des enfants royaux, éduqués à la rude comme il se doit. On pouvait voir à la télé la grâcieuse (l'epithète est méritée) majesté dîner au château de Versailles ou monter les marches de l'Opéra entre deux rangs de gardes républicains sabre au clair, la France savait traiter ses hôtes en ce temps là. Plus tard j'allai en Angleterre pour des séjours linguistiques comme tout un chacun et découvrit la cuisine anglaise qui n'entama pas ma foi en la monarchie. J'avais récupéré je ne sais où une enveloppe officielle qui portait l'inscription "on her majesty's service" et je la punaisai sur le mur de ma chambre d'adolescent. Le temps passa et ma foi en la couronne britannique prit de rudes coups. Je crois bien, même, que Bernadette Devlin remplaça dans mon coeur la reine. Je pris fait et cause pour l'IRA et le rattachement de l'Ulster à l'Irlande, je me réjouis même que l'armée républicaine ait envoyé ad patres lord Mountbatten, un proche de la famille royale, et cela dura tout au long des années 70 et même 80 jusqu'à l'ignomineuse mort des grévistes de la faim dans la prison de Long Ketch (je sais, c'était la faute de Thatcher, mais la reine est restée muette). Puis les passions s'éteignirent, les Irlandais parvinrent à un accord, et je retrouvai pour Elisabeth le respect, voire l'admiration que j'avais eus. Je m'aventurai même sur ses terres un beausoir d'été près de Balmoral. Dans les années 90 la dynastie fut sacrément secouée entre les deux brus, la blonde dépressive et la rousse incendiaire, les divorces, un château qui partit en fumée, ce qui la ruina presque (enfin, n'exagérons rien), puis la mort tragique de Diana, icône de presse du coeur et des gens ordinaires. Elle fit face, retrouvant une popularité qui avait fortement baissé. Et elle survécut encore de longues années, témoin des épreuves qu'affrontèrent son pays et le Monde, enterrant de nombreux dirigeants, inébranlable sur "this royal throne of kings". Adieu, donc, noble dame, et longue vie (c'est juste une formule...) à Charles III !