Cinéma : ça redémarre très doucement
Si doucement qu'on se pose des questions...Le Covid a-t-il préparé une mort lente du cinéma qui serait peu à peu remplacé par des chaînes spécialisées dont la très conquérante Netflix? Les "séries" auraient-elles éliminé les films? Et pourtant je parle d'un pays où le nombre de films vus par habitant est un des plus élevés du monde et d'une ville qui offre la plus grande densité de salles et le choix de films le plus large. Depuis la réouverture des salles, étant allé presque chaque jour au cinéma (eh oui...) j'ai pu constater, au milieu des rangées de fauteuils vides, que le public était rare, en particulier dans les salles des grands circuits de distribution (MK2, UGC...). Dans les petites salles d'art et d'essai du Quartier latin, on retrouvait, Dieu merci, l'étiage d'avant ou presque. On pourrait se réjouir que le cinéma-pop corn, spécialisé dans les blockbusters, ait pris un coup dans les gencives, mais c'est lui qui draine le plus grand nombre de spectateurs, jeunes pour la plupart alors que la plupart des spectateurs des salles d'art et d'essai sont vieux et disparaissent peu à peu sans être remplacés. Les gens auraient-ils peur du virus? Peu probable : les vieux qui pourraient le craindre sont revenus et les jeunes qui montrent assez dans d'autres circonstances qu'ils s'en battent les... ne sont pas là. Peut-on ainsi laisser tomber un loisir parce qu'on en a été privé quelques mois et qu'on a oublié ce que c'était? Cela n'a pas été le cas pour les teufs et les pique-niques à touche touche dans les parcs parisiens. Autre hypothèse qui paraît bien meilleure : le cinéma est victime de producteurs frileux qui ne veulent pas exposer leurs blockbusters à un échec financier et, en attendant le retour des spectateurs raclent les fonds de tiroir. Voyons un peu ce qui est sorti cette semaine. Yakari, un film d'animation "familial" (on n'en doute pas...), Light of my life, dystopie qu'on a comparée à d'autres récentes pour dire qu'elle était moins bonne, Voir le jour, film qui semble redoutable, alignant les poncifs comme des perles (j'ai vu fois la bande-annonce) avec une Sandrine Bonnaire qui fait regretter la jeune actrice prometteuse de Pialat, le discours attendu sur les horaires, les salaires, les chefs de service inhumains et le gnangnantisme style "nous,on donne la vie, rien de plus beau", The perfect candidate, film saoudien qui montre cruellement jusqu'où on peut aller pour critiquer la dictature religieuse si on ne veut pas se prendre coups de fouet, Lil Buck Real Swan, film sur un jeune prodige de la street dance qui aurait pu faire un bon court-métrage, The crossing, film chinois sûrement intéressant, mais rameute-t-on les foules avec un film chinois? Nana et les filles du bord de mer, ne préjugeons pas, mais enfin la réalisatrice et les comédiennes sont de parfaites inconnus, ça n'encourage pas. La semaine dernière on était tombé plus bas avec Les blagues de Toto qui ne semblent pas avoir fait beaucoup rire. En fait la meilleure sortie de la semaine est Les révoltés de l'an 2000, un film espagnol de 1976 qui traite le même sujet que Le village des damnés...Suffira-t-il donc qu'à l'automne les grands distributeurs lâchent une volée de films pour que tout reparte comme en 14 et que les spectateurs reviennent dans les salles la fleur au fusil? Je l'espère, je ne voudrais pas mourir privé de ce qui a été, avec la lecture, un des grands plaisirs de ma vie.