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Causons derechef
10 mai 2019

La cressonisation de Nathalie Loiseau

Tout le monde ne se souvient peut-être pas d'Edith Cresson, éphèmère premier ministre de Mitterrand qui en avait fait la première femme à ce poste en 1991. Elle ne l'occupa que 10 mois, avec des conditions sociales et économiques certes difficiles, mais surtout victime des crocs-en-jambe de ces collègues, d'une campagne virulente des médias empreinte de machisme et, il faut bien le dire, de quelques déclarations à l'emporte-pièce qui firent presque autant de bruit que si Internet avait existé. Il est en train d'arriver la même chose à Nathalie Loiseau, à part peut-être les coups en dessous de son parti : personne n'avait envie d'aller au casse-pipe en prenant la tête de la liste LREM.

Je rappelle pour le plaisir quelques gaffes de Cresson : l'homosexualité n'est pas dans les moeurs des Latins mais dans celles des anglo-saxons. Je vous laisse deviner quelle serait la réaction des LGBT (je crois qu'il manque 2 ou 3 initiales, mais les choses vont si vite à notre époque qu'on a peine à suivre l'évolution des moeurs) face à une déclaration si stigmatisante, elle n'aurait même pas tenu les 10 mois...Elle qualifia aussi les Japonais de "fourmis jaunes" (Il est amusant de retrouver le même racisme inconscient chez Loiseau parlant de "romanichelle") et elle reste célèbre grâce à son "La Bourse, j'en ai rien à cirer". Le pire chez la candidate de LREM n'est pas tant la gaffe que sa maladresse à se tirer du mauvais pas où elle se met. Il n'y avait pas de quoi fouetter un chat pour avoir été sur une liste du GUD à 20 ans et il était facile d'établir que la blitzkrieg n'était pas une invention d'Hitler, mais elle n'a pas su le faire.

Le plus déplaisant dans ce genre de campagne est d'abord que c'est une campagne, c'est-à-dire que tout le monde se met à taper sur le même, ou plutôt sur la même car il y a une bonne dose de machisme dans celle-ci, ce que personne, évidemment, n'avouera. Cresson en avait eu sa part avec des plaisanteries graveleuses sur son nom et des allusions à une prétendue liaison avec Mitterrand, sans compter sa marionnette du Bébête show spirituellement baptisée Amabotte...Marlène Schiappa l'a subie aussi, dont on ne parle que du physique ou des vêtements et qu'on renvoie sans cesse à ses textes grivois où l'on a trouvé des verges pour la battre...Pour Nathalie Loiseau, c'est autre chose. Il est intéressant de comparer son cas à celui de Castaner, ministre vivement critiqué à cause de la répression des Gilets jaunes. Sa jeunesse orageuse de joueur de poker avec des truands marseillais, ses soirées en boîte arrosées de vodka, lui donnent auprès de ses adversaires une sorte d'aura et on les entend presque dire : "Quel type, quand-même!". Nathalie Loiseau, elle, ne bénéficie d'aucune indulgence. On critique avec raison ses piètres talents oratoires ou ses reniements (elle a salué la suppression de la prestigieuse école qu'elle a dirigée) mais avant tout on en fait une sorte de Bécassine récitant son catéchisme et sa moindre déclaration est tournée en ridicule : une femme, avec sa petite cervelle, ça doit laisser les hommes causer... Et surtout on s'attaque à son physique comme si une ministre devait être une reine de beauté. La comparer au comique Benny Hill n'est pas amusant mais parfaitement grossier. Il y a suffisamment à dire contre l'engagement européen de Macron, sa prétention à être le leader d'une Europe qui se défait, son attitude ambigüe sur les frontières, son antifascisme de pacotille; on n'a pas besoin d'arguments en dessous de la ceinture aux relents sexistes. 

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