Modestes propositions pour contribuer à la restauration de Notre-Dame.
Comme il fallait s'y attendre, après 24 heures d'unité nationale retrouvée, l'incendie de Notre-Dame a fait naître des polémiques qui ont de nouveau déchiré les Gaulois réfractaires. Ce fut d'abord la dénonciation de ces salauds de riches qui donnaient de l'argent pour payer moins d'impôts (et pourtant ils y perdent forcément quelques plumes), puis une indignation vertueuse au vu des sommes collectées : cet argent aurait dû aller d'abord aux pauvres, comme si donner à l'un signifiait en priver un autre. Je passe charitablement sur ceux qui se sont réjouis du coup du sort qui avait frappé les "petits Blancs". Mais la polémique la plus retentissante a concerné la réfection de la flèche d'où est venu tout le mal : fallait-il la reconstruire à l'identique dans le style médiéval revu au XIXème siècle ou, au contraire, "faire un geste fort" genre plug anal ou bouquet de tulipes de Jeff Koons pour bien marquer que la France était dans tous les domaines à l'avant-garde et saurait imposer au public choisi des Jeux olympiques une oeuvre toute empreinte de la modernité la plus échevelée qu'il contemplerait bouche bée et l'oeil rond. Les positions sont tranchées mais ne peut-on trouver une solution qui mettrait tout le monde d'accord ?
Ma proposition est simple comme l'oeuf de Colomb : supprimons la flèche de Viollet-le-Duc. Honnêtement, l'aimiez-vous cette flèche si disproportionnée entre les deux tours puissantes qui l'écrasaient ? Elle avait l'air d'un cadeau Bonux et sentait son néo-gothique à plein nez.
Exit la flèche.
Restent la voûte et le toit pour qui le travail de restauration sera plus facile après la suppression de cet ornement inutile. La charpente devra-t-elle en bons chênes de France comme le veulent les traditionalistes, nostalgiques de ceux qui ornaient le képi du Maréchal ? Et ils vous parlent avec enthousiasme de compagnonnage, de chantier de jeunes (tiens, tiens...), de techniques ancestrales qui vont renaître ? Faudra-t-il, au contraire, la remplacer par des poutres d'acier qui évoqueront le culte de la modernité après 14 et les tableaux de Fernand Léger où des ouvriers semblent dresser dans les airs la Cité de demain, ou peut-être même par des matériaux plus modernes, moins lourds et plus portants, qui lui donneront l'aspect d'un vaisseau spatial ? Je n'ose me prononcer et, de toute façon, cette restauration ne se verra pas et ce qui ne se voit pas ne compte pas. Et le toit? voilà où pourrait se déployer notre génie artistique à la face du monde. Peignons le ou, à la rigueur, mettons-y des tuiles de couleur comme dans les églises bourguignonnes. Peignons le en bleu comme le manteau de la Sainte Vierge ou le drapeau européen, ou aux couleurs de l'arc-en-ciel parce que nous sommes dans le 4ème arrondissement et que la métropole de Paris s'est toujours voulue à la pointe du combat contre les discriminations sexuelles, ou en rose flashy ou, pourquoi pas, en vert pomme parce que l'écologie est notre beau souci. C'est simple, rapide, ça ne demandera aucun concours international coûteux et surtout ça respectera le voeu du président : une cathédrale plus belle. Il l'avait en noir et blanc, il l'aura en couleurs.