Moi et le Cambodge
Parlons de moi - il n'y a que ça qui m'intéresse - et un peu du Cambodge. Depuis quelques années j'avais trouvé la forme de voyage qui me semblait idéale : un séjour dans un pays avec un peu de visites traditionnelles (villes, monuments...) mais dont le point fort était une randonnée à pied en région montagneuse avec hébergement chez l'habitant. Je ne me fais pas trop d'illusions sur la connaissance que cela donne du pays et de sa population (les villages sont soigneusement choisis par les agences de voyage, les moins pauvres nous hébergent, nous sommes gâtés comme des hôtes d'honneur) mais enfin c'est un peu mieux que les hôtels avec piscine et il y a aussi la joie de l'effort physique. Toutes ces randonnées ont eu lieu en Asie du sud-est, région du globe la plus chère à mon coeur, avec notre vieille Europe bien sûr. Cette fois le VTT remplaçait la marche à pied, avec un programme qui consistait à rayonner autour de sites (Angkor, Battambang...) sur des pistes entre rizières et forêts. Rien de bien difficile : dans sa partie centrale le pays est à peu près plat sauf quelques reliefs qui ne dépassent pas l'altitude des collines du Perche. Le critère de sélection était plutôt la résistance à un effort continu sous une forte chaleur. Nous nous sommes retrouvés à 12 personnes assez entraînées qui ont bien tenu leur partie dans l'ensemble (plus le guide - j'en ai connu des paresseux - tout à fait à la hauteur). Grosse majorité de femmes comme dans la plupart des groupes de randonnées avec le contingent traditionnel d'infirmières (elles étaient 3) qui semblent, plus que d'autres professions, avoir le goût de l'exotisme et partent souvent en solo, mais aussi 2 mâles célibataires (Bobonne ne suit pas le mouvement), une secrétaire qui économise pour se payer un ou deux beaux voyages dans l'année (souvent des personnalités attachantes), une pincée de retraités et une majorité de cadres. Achevons cette sociologie des groupes par le plus important : l'âge, car c'est là que le bât blesse...Les capacités physiques et les goûts n'y sont pas forcément liés, en foi de quoi le groupe comprenait un septuagénaire, moi, une pincée de sexagénaires et de quadras et une majorité de quinquas. Ce dont je plaisantais jusqu'alors quand j'étais le doyen dans un groupe a commencé à me peser. La forme physique est toujours là et c'est bien le problème, mon humour un peu daté (le "Charlie" des années 70...) passe bien, mes compagnes et compagnons ont été aussi aimables avec moi que je l'ai été avec eux (c'étaient des gens plaisants et intéressants), mais j'ai senti l'écart se creuser comme si je n'avais plus le tempo. J'ai été d'autres fois un des plus vieux : on en plaisantait et on en a plaisanté aussi cette fois, mais il y a eu une sorte de saut qualitatif et les plaisanteries produisaient une sorte de pincement. Je me retrouve pour ainsi dire le cul entre deux chaises : assez fort pour des vacances "sportives" (et il n'est pas question que je revienne à celles où l'on sort du car climatisé juste pour visiter un site avant de retrouver l'hôtel et sa piscine, ou pire, les croisières avec scrabble et salle de gym) et, d'un autre côté, plus dans le coup et craignant de freiner si peu que ce soit mes compagnons...Il faut bien un jour finir de se croire jeune mais j'aurais préféré que ce fût plus tard et ne pas me dire : l'Asie, comme Capri, c'est fini...
Mais, trêve de pleurnicheries, le Cambodge ? Allons-y, un peu en vrac. Il ne jouit pas de la même faveur que le Laos avec ses montagnes et ses minorités, ni que le Vietnam plus varié et plus étendu, mais ne serait-ce que par le site d'Angkor qui est réellement une merveille de l'humanité, il vaut le coup. On peut y ajouter le Tonlé Sap, ce lac immense qui régule le cours du Mékong, les plages cocotiers-sable blanc, des restes de quartiers coloniaux (les KR ont massacré les hommes mais peu touché aux bâtiments) et le vert des rizières (pour cela y aller impérativement en fin d'année et non en mars où elles sont desséchées).Je n'en dirai pas plus, regardez mes photos sur ma page Facebook. Il y a aussi 2 massifs montagneux (dont celui où s'étaient réfugiés les KR) à la périphérie. Et, bien sûr, il y a les gens, le fameux sourire khmer, la beauté des filles...Grâce à notre guide, d'extrace paysanne, nous les avons vu vivre ces gens des villages. Nous avons pu comprendre en les voyant travailler des heures entières à fabriquer des nattes, des poteries, à préparer des aliments vendus sur le marché à un prix qui nous paraissait dérisoire, ce qu'est la pauvreté. Pas de misère toutefois : riz, fruits, légumes, poissons à volonté, les maisons de bois sont très propres et les enfants vont à l'école avec leur petit uniforme par fournées. Le guide, comme souvent dans les dictatures, pouvait critiquer à loisir le gouvernement devant des étrangers. Il ne s'en est pas privé : Hung Sen, ex-KR mis en place par les Vietnamiens, vendant maintenant son pays aux Chinois, corrompu comme il se doit, menant le Cambodge d'une main de fer avec un parti unique dans la bonne tradition communiste. Ces Chinois, notre guide leur voue une haine sans faille : touristes grossiers et bruyants (je confirme), exploiteurs sans scrupules (il faut voir, à l'embauche ou à la débauche, ces bétaillères où s'entassent des dizaines d'ouvrières du textile qu'on va chercher dans leurs villages et qu'on paie avec des cacahuètes), terres volées pour y planter du palmier à huile...Parenthèse sur la cuisine : elle est bonne mais servie trop abondamment aux touristes, beaucoup de poisson, trop de poulet et des ventrées de fruits tropicaux et de desserts au lait de coco, épisode obligé des insectes grillés ou du serpent qu'on fait goûter à l'Européen béat. Nous traversons parfois des villages où sont installés des Chams musulmans qui sont plus nombreux que je ne pensais. Leur islam ne semble pas très rigoureux, pourtant ils voilent les fillettes. A Battambang, vive émotion devant le mémorial très simple du génocide et de sa représentation "naïve". Magnifique marché années 30 de Phnom Penh. Ilot bobo près de la ville de Kampot au sud : des Français y ont créé une plantation de poivre bio avec resto gastronomique genre cuisine fusion, dégustation de poivre et autres épices. Bon, je vous fais grâce de toutes mes autres impressions de voyage. Allez-y, ça vaut le coup, et à vélo c'est encore mieux.