Charles de Courson, l'aristo modèle
De temps en temps "Le Monde" dresse le portrait d'un politicien qui a fait le buzz, hier c'était celui de Charles de Courson qui a violemment contesté un article de la loi anticasseurs à la tribune de l'assemblée, déclenchant l'ire des macronistes qui se sont sentis insultés. Ce qui est particulièrement intéressant dans ce portrait, d'un point de vue plus général, ce sont les sentiments qu'il manifeste à l'égard de la noblesse et qui sont communs à la plupart des roturiers que nous sommes.
Notre fascination a d'abord un petit côté "Gala". Le nom "qui se dévisse" nous impressionne, et plus il a de rallonges mieux c'est. Le journaliste nous donne donc le nom complet du parlementaire : Charles-Amédée du Buisson de Courson (notez le second prénom, extrêmement rare, sauf dans la famille royale italienne...). Après les noms, les titres. Un de ses grands-pères était marquis (il n'est pas précisé si les Courson eux-mêmes sont titrés). Songez à ce pauvre Philippe de Villiers qui a traîné son titre de vicomte comme un boulet. On accorde généralement à ces aristocrates de la "classe" ou de la "branche" et on est sensible à leurs traditions, à commencer par la tradition militaire. Les Courson n'y dérogent pas dont certains sont tombés au front en 1916 ou morts dans les camps en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. La famille a aussi une tradition parlementaire puisque, depuis la Révolution, elle aurait toujours eu un élu à l'Assemblée. On pense évidemment aux nombreux nobles que les paysans ont élus comme représentants au moins jusqu'en 14, qui étaient pour eux "Monsieur not'maître" mais dont ils savaient qu'ils défendraient leurs intérêts.Je me demande toutefois si ce à quoi nous sommes le plus sensibles n'est pas tout ce qui concerne la tradition et la transmission. L'héritage de ces familles les inscrit dans l'histoire et leur transmet des valeurs (mêmes réactionnaires : visiblement la journaliste n'admet pas qu'on puisse être contre le mariage gay et la PMA comme l'est Courson) qui les guident et que nous leur envions, nous qui sommes parfois déboussolés.
Mais ces aristocrates savent aussi nous surprendre et ne pas être tels qu'on les attend. Si la plupart ont brandi le drapeau fleurdelysé en Vendée, sont restés fidèles aux Bourbons jusqu'à la mort du comte de Chambord, ont pu, même, se rallier aux Orléans et militer à l'Action Française, il y a eu aussi des familles de tradition républicaine, ce qui semble être le cas de celle du député. Un de ses ancêtres vota la mort du roi en 93, un autre battit aux élections un député royaliste à la fin du XIXème siècle. Vers la même époque le comte Albert de Mun défendait une politique sociale en faveur des ouvriers que négligeaient les Radicaux triomphants. Un des reproches de Courson à Macron est que celui-ci "ne connaît pas son peuple". Pas faux, mais n'y a-t-il pas quelque prétention de la part des nobles à connaître celui-ci, sauf peut-être - ce qui est paradoxal - avant la Révolution quand petite noblesse et paysans vivaient en symbiose ? Le noble riche (ils n'ont pas tout perdu en 89...) est considéré comme moins m'as-tu-vu et vulgaire que le bourgeois : il faut je ne sais plus combien de générations pour faire un gentleman, il les a. Quant à celui qui est dans la panade, il a ses élégances qui l'empêchent de déchoir complètement. Il règne aussi autour d'eux un parfum d'exotisme fascinant : conquérants comme Savorgnan de Brazza, aventuriers comme le marquis de Morès qui aimait tant les garçons bouchers et périt par traîtrise en Tunisie ou Monfreid qui fit peut-être commerce d'esclaves dans la Mer rouge, fils cadets qui s'établirent aux colonies...Le modèle en serait Dieuleveult mort tragiquement au Zaïre. Enfin, mais c'est une impression personnelle, ils semblent nombreux à notre époque dans un domaine réservé autrefois aux hommes de petite extrace et aux femmes de petite vertu : le théâtre. Il est vrai que la culture n'a jamais été absente de "leurs" familles. Laissons, pour conclure, la parole à Eric Mension-Rigau, historien spécialiste de la "bonne" société qui intitule un de ses ouvrages : Singulière noblesse.