Les dreadlocks de la colère
Il y a dans le tout récent gouvernement suédois une nouvelle ministre de la culture qui "coche toutes les cases" : elle est jeune, blonde (comme il se doit), écolo, indulgente à l'égard des islamistes, et surtout amatrice de jeux de rôle et de BD. Dans un pays où le génie de Bergman n'a jamais été reconnu et où la littérature se réduit maintenant à quelques auteurs de romans policiers, ça ne peut que bien passer. D'ailleurs n'est-ce pas la tendance de la nouvelle génération des ministres de la culture : a-t-on jamais entendu Franck Riester (mais oui, bandes d'ignorants, c'est le nom de l'actuel ministre) citer son peintre favori ou son poète de prédilection ? Or cette brillante jeune femme arbore en guise de coiffure une masse de dreadlocks qui ont entraîné un mini-scandale. L'attaque est d'abord venue - qui s'en étonnera - des conservateurs qui pensent qu'avec un tel look on ne peut représenter son pays. En bonne petite luthérienne obéissante Amanda Lind a adopté un compromis : quand elle est dans son rôle de ministre, elle coince ses tresses avec un bandeau, ce qui lui fait une sorte de gros gâteau de miel sur la tête. Fin de la polémique ? non, car elle aurait dû aussi se garder à gauche où les anticoloniaux font peser maintenant sur elle la grave accusation "d'appropriation culturelle" : une Blanche avec une coiffure afro, c'est comme un blanc se barbouillant façon minstrel : "Touche pas à mon look, Blanchette!". Cela rappelle irrésistiblement l'aventure récente de l'auteur et metteur en scène canadien Robert Lepage, belle conscience de gauche qui avait monté un spectacle sur la souffrance des peaux-rouges (pardon, les "premières nations") colonisés. Mais -horresco referens- il avait fait jouer le rôle des indigènes par des Blancs : protestations, manifestations,boycott...il a dû interrompre son spectacle. Et ce à l'heure où, de plus en plus souvent on offre au théâtre des rôles de "Blancs" à de "Noirs"...Ah, c'est de moins en moins facile d'être de gauche.