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Causons derechef
17 décembre 2018

Gilets jaunes, migrants : not in my backyard

L'objection communément faite à tous les bons apôtres partisans d'une immigration sans frein ni limite et d'un accueil bras et bourse ouverts est celle-ci : pourquoi ne les hébergez-vous pas ? Et, de fait, tous nos lecteurs de "Libé", nos militants Cimade, nos progressistes macroniens, nos curés de gauche s'il en reste, s'en gardent bien, à l'exception de cinglés comme Cédric Herrou ou de quelques femmes (ou hommes) sur le retour que démangent encore des envies de chair fraîche. Les autres ont bien conscience du fossé qui existe entre les cultures (l'Homme ou "l'humain" dont se réclament nos gentils accueillants n'est qu'une abstraction) : le statut de la femme dans beaucoup de sociétés, les règles de l'hospitalité, l'obstacle de la langue, la mentalité conquérante ou revancharde de certains migrants, les usages quotidiens...Du reste deux ou trois films et, récemment je crois, une pièce de théâtre ont abordé le problème. Se retrouver avec deux ou trois jeunes hommes dans sa chambre d'amis et sur le canapé du salon, qui attendent qu'on les nourrisse, qu'on les serve même, voire qu'on les vête et qui n'ont pas envie de quitter les lieux, est une aventure qu'on n'a pas envie de vivre tout en invitant son voisin à le faire : "open up", que diable! On pare de toutes les vertus ces gens qui ont affronté avec courage le danger pour nous apporter leur jeunesse, leurs talents, qui sauveront notre civilisation vieillissante en payant nos retraites et en apportant un sang neuf et une natalité galopante. Enfin, vous connaissez les arguments...Mais attention, pas dans mon quartier, sauf sous forme de resto sympa ou d'épicerie exotique odorante, pas dans mon immeuble parce que ils sont quand-même bruyants et peu respectueux des espaces communs, pas dans mon école pour que je ne sois pas obligé de mettre mes enfants dans le privé. Accueillir les migrants est un excellent principe qui doit être appliqué avec doigté.

Et c'est à cela que m'a fait penser un certain discours de la Gauche intellectuelle (mais aussi de la Droite) qu'on ne s'attendait pas à voir défendre un mouvement considéré de prime abord comme populiste.Evidemment il ne s'agit pas de la même Gauche que ci-dessus, mais de celle qui est patriote, laïque et peu ou prou antieuropéenne. Certains ont endossé leur gilet jaune et justifié du même coup un populisme qui jusque là sentait plutôt le soufre. Les éloges ont été parfois dithyrambiques. Les uns évoquaient le peuple de la Grande Révolution, les émeutes déclenchées par le prix du pain en 1789, les sans-culottes contestant le pouvoir de la Convention, les autres rappelaient les soulèvements contre la gabelle, les croquants et les bonnets rouges. Ou alors c'était le peuple de Paris sur les barricades. On a même comparé les cortèges de gilets jaunes avec drapeau tricolore déployé dans la fumée des lacrymos à une troupe montant au feu en chantant la "Marseillaise", l'imagination était au pouvoir si la mesure en était absente...En tout cas, c'était toujours la joie de voir le peuple souverain s'en prendre aux nantis, et c'est avec des sanglots dans la voix qu'on décrivait la vie de ces petites gens qui ne parvenaient pas à boucler leurs fins de mois, privaient leurs enfants de Nutella à leur coeur défendant, ne pouvaient même pas prendre de vacances. Cet amour du peuple les conduisaient même jusqu' au rond-point le plus proche,pour échanger quelques paroles qui n'engageaient à rien et donner du sauciflard, du cassoulet en boîte et du camembert : c'est ce que mange le populo. Mais ça n'allait pas et ne pouvait aller plus loin. On n'allait certes pas les loger, ils n'en ont pas besoin, mais on ne les a pas invités non plus dans son salon pour discuter autour d'un verre et d'une bouteille de Ricard achetée pour l'occasion. On avait beau chanter leur vertu civique, leur esprit révolutionnaire, on savait bien qu'ils n'étaient pas du même monde ni n'avaient la même culture et que ce fossé lui aussi était infranchissable. Oui l'homophobie, le racisme, la misogynie sont plus courants chez eux, ou alors ils s'expriment plus franchement, oui ils sont grossiers et scatologiques et cela aurait été insupportables aux chastes oreilles de privilégiés qui ne voyaient en eux que des alliés dans leur combat contre Macron. Ils ont été reconnaissants aux gilets jaunes d'exprimer par procuration leur haine du pouvoir mais leur fraternité était jouée, me semble-t-il, et ce sentiment n'aurait pas tenu longtemps dans un contact qu'ils ont soigneusement évité. Décidément, peuple rêvé des immigrationnistes ou peuple réel, il faut distances garder...

Commentaires
Z
Fraternité surjouée...
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