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Causons derechef
8 avril 2018

Le slogan du cheminot :"Privilégié, moi ? Jamais !"

Jadis la Poste s'appelait les PTT (je précise pour les jeunes : poste, télégraphe, téléphone) que les mauvais esprits feignaient de prendre pour l'acronyme de "Petits Travailleurs Tranquilles". A la campagne on entendait souvent "le fils Untel trouvait la terre trop basse, il est entré aux chemins de fer" et d'une façon générale de tous les fonctionnaires on disait :"Les manches d'outils ne leur feront pas mal aux mains". Il y avait un mélange de mépris pour ceux qui ne travaillaient pas de leurs bras (ce qui était quand-même parfois le cas au Chemin de fer) et d'envie pour ceux qui n'étaient pas soumis aux aléas du temps ou de la conjoncture économique, ceux qui avaient un salaire qui tombaient régulièrement, la certitude presque absolue de garder leur métier à vie, une "bonne retraite" et un horaire dans leur travail. C'est ainsi que les cheminots ont pu être considérés comme des privilégiés. Ce mot leur colle à la peau comme le fameux sparadrap du capitaine Haddock et ils essaient de s'en défaire pas toujours habilement comme l'a vu à ses dépens Cécile Duflot avec son tweet qui aurait dû tirer des larmes à une pierre et qui en fait a entraîné une réaction sarcastique des internautes devant sa fête de Noël ratée. Alors privilégiés ou pas privilégiés ?

Je pense qu'ils l'ont été autrefois pour les raisons dites plus haut. Leur travail était, quoi qu'ils disent, bien moins pénible que celui de l'ouvrier à la chaîne ou du paysan grattant la terre comme le pauvre Martin. En tant que fonctionnaires ils avaient un revenu assuré, fût-il modeste, mais l'était-il tant que cela par rapport aux salaires ouvriers ? De plus la SNCF avait développé des services sociaux remarquables (médecine, colonies de vacances) dont ils profitaient. Ils rataient peut-être de temps à autre une fête de famille comme le papa de la petite Cécile mais ils ne travaillaient pas 7 jours de la semaine comme le paysan (même le jour de Noël on trait les vaches à la ferme) ou le petit commerçant et leur retraite était longue et sereine entre bistrot et pêche à la ligne. J'entends bien que notre société a évolué considérablement, et est plus généreuse pour tous, que les formes de travail ont changé, il n'empêche qu'ils ne suivent toujours pas la loi commune et qu'il est assez piquant d'entendre des gens qui se gargarisent d'égalité soutenir leur combat. Je n'ai jamais entendu parler de cheminots mis à pied. Leurs salaires sont ce qu'ils sont mais on a parfois l'impression, quand ils brandissent leur feuille de paye, que c'est celle de leur début de carrière qu'ils ont pieusement conservée. Après tout un conducteur de Tgv est payé à peu près comme un prof, ce n'est pas honteux. Leurs conditions de retraite sont, elles, sans comparaison avec celles des employés du privé et je ne parle même pas des paysans, commerçants et autres artisans. C'est ce qui blesse le plus mon sens de l'égalité, moi qui en 1995 comme en 2003 ai refusé de me joindre au mouvement de résistance des fonctionnaires contre la réforme de leur retraite et je regrette que le gouvernement ait remis à plus tard celle-ci en ce qui concerne les cheminots. Le reste, ouverture à la concurrence, suppression concomitante de lignes déficitaires, embauche hors statut, ne me choque guère. La Poste a réussi à imposer ce type d'embauche, la concurrence fera peut-être baisser des prix souvent excessifs et incompréhensibles et il y a longtemps que le car a remplacé le train sur certains itinéraires courts, alors un peu plus, un peu moins...Qu'on ne soit pas dupe, ceux qui brandissent le maillage et l'aménagement du territoire le font pour des intérêts particuliers.

Commentaires
L
Ce qui m'interpelle, c'est le combat des cheminots pour conserver un statut qu'on ne veut pas leur enlever. Si la réforme passe et elle passera probablement, le statut de cheminot existera encore pendant 40 ans encore, le temps que le dernier cheminot sous statut parvienne à la retraite sinon même jusqu'à son décès. Par contre, il est injuste de leur mettre sur le dos la situation actuelle de la SNCF. Comme dans n'importe quelle entreprise, le patron ou actionnaire a largement autant de responsabilités que le salarié. Mauvaise gestion, mauvais choix stratégiques etc....Mais je crois qu'ils peuvent négocier quelques modalités d'application mais pas le fond. Ils auront l'arrêt du statut et l'arrivée de la concurrence. Et cette dernière ne serait pas si mauvaise.
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