Chronique du village : la fin des vacances
Ça y est : ils sont partis. Les plus prudents, la veille, pour éviter un samedi noir, créant ainsi un vendredi rouge. Plus de queue chez le boucher ou le poissonnier dont la marchandise avait fini par atteindre des prix parisiens. Après un énième "incident client" la boulangère a fait un petit nervous breakdown. Tous comptent leurs sous en déplorant que la fréquentation de la station soit en baisse. S'ils s'imaginent que je vais les plaindre... D'ailleurs les troupes de septembre sont en marche et établissent déjà des avant-postes. Une aubaine ces septembriseurs parmi lesquels des étudiants qui attendent la rentrée, leur bourse,l'APL, les doigts de pied en éventail au lieu d'aller faire les vendanges.Mais il y a surtout des retraités, enfants du baby boom qui ont pu s'offrir une villa qu'ils prêtent pendant la saison à leurs enfants tirant le diable par la queue et peinant à élever leur marmaille. On voit aussi aussi quelques couples double income qui viennent tout juste de s'offrir un enfant, leur carrière étant bien lancée. On verra ceux-ci sur la Promenade avec leur poussette à 3 roues et ceux-là sur les pistes cyclables, véritables images pour catalogues de vente, pétant la santé et le dynamisme. On compte aussi sur eux pour relancer un casino mort-né : les vieux sont accros aux bandits-manchots qui leur donnent leurs derniers frissons sexuels. Reconnaissons quand-même que les commerçants ont raison : il y a moins de vacanciers.La crise ? La météo ? Un accès à la plage plus difficile au nom du salut de la planète ? Les Allemands férus de naturisme ont quasiment disparu. Mais où sont les neiges d'antan, les blondes gretchens et les walkyries athlétiques qui fendaient la vague de leur corps splendide ?...Les Hollandais les ont remplacés, mais ça n'est pas pareil : ils sont plus coincés et nous écorchent les oreilles avec leur [R] guttural.
Comme tous les ans a eu lieu la régate des vieux gréements où chacun arborait bermuda ou vareuse rose passé pour la remise des coupes. La bibliothèque tournante du marché a eu son petit succès et j'y ai même trouvé quelques trésors au milieu de la série Les gens de Mogador et des romans de Virginie Despentes. Depuis cette année nous avons, comme les Niçois, notre Promenade. Dieu merci un si petit village est à l'abri des camions fous et autres déséquilibrés et l'on y pédale sans crainte. Le temps est encore très beau, la mer chaude, pourtant il faut partir, mais ce départ n'est pas imprégné de cette atmosphère mélancolique traditionnelle dans les romans (je viens de lire La côte sauvage de J-R Huguenin). Pas de tentes rayées qu'on abat sur la plage ni de froid piquant au petit matin ou de premières feuilles mortes qu'on brûle. Pas de grande maison de famille dont on ferme un à un les volets qui grincent pendant que des adolescents éperdus se séparent. Le retour à Paris sera plus facile...