Une semaine avec Edouard Philippe dit "le n'Havrais"
Heureuse semaine dernière passée au fin fond de la Bretagne à l'abri des médias ! J'ai ainsi échappé au discours solennel devant le Congrès du Chef et à l'exposé de son programme qu'a fait le sous-chef devant les députés . Échappé, pas tout-à-fait, j'ai attrapé quelques bribes d'informations sur la radio de la voiture et les journaux qui traînaient sur les comptoirs. Cette semaine fut incontestablement celle du n'Havrais (j'explique et rends hommage en même temps à un de mes amis Facebook qui ne l'appelle plus qu'ainsi depuis qu'un journaliste ou peut-être une femme politique coutumière du fait, a commis cette liaison mal-t-à propos). Non seulement son discours fut bien accueilli (tu parles, avec la majorité écrasante qui est la sienne et qui le restera jusqu'à ce que le Parquet la décime) mais il a sorti un livre, ce que tout homme politique se doit de faire s'il veut vraiment être considéré.
Parlons d'abord du livre, un essai très personnel sur la lecture et ses lecteurs. Soyons honnête, je n'ai fait que le feuilleter assez rapidement dans une librairie non climatisée. L'impression générale est assez favorable d'autant que son livre tranche avec les "essais" de la plupart des politiques torchés en quelques semaines par quelques nègres qui ne méritent même pas le nom de "plumes", des ramassis de banalités et d'autopromotion grossière. Il y a dans Des hommes qui lisent de la sincérité, un ton personnel, de l'humain comme dirait Raffarin. On peut contester les auteurs qu'il met dans son panthéon mais personne ne semble indigne ni déplacé et s'il nous fait un clin d'oeil en disant que lui aussi n'a pas lu La princesse de Clèves ce n'est pas moi qui lui en voudrais, l'étude de ce texte en classe a dégoûté du genre romanesque des générations d'élèves...Je le chicanerai plutôt sur l'influence qu'il donne aux lectures d'enfance. Ce qui compte à cette époque de la vie, c'est que l'envie de lire vous prenne et soit entretenue. Dumas, Jules Verne, la comtesse de Ségur m'ont donné l'élan, puis il y a eu un saut qualitatif qui fait passer à Balzac, Baudelaire, Céline, Flaubert...qui sont ceux qui comptent. Il y a aussi un chapitre sur la "politique de la lecture" qui sent trop son politicien alors que l'homme commençait à nous intéresser. Cette expression, au surplus, me choque. Je ne nie pas qu'il faille contrôler le prix du livre (qu'en pense son très libéral patron ?) et fournir des bibliothèques, mais la lecture est question de goût et de plaisir. Une politique de l'offre ne sert pas à grand chose quand la demande se raréfie et Dieu sait si c'est le cas. Quoi qu'il en soit notre premier ministre a montré qu'il pouvait écrire autre chose que des romans policiers (révérence gardée); à quand un Des hommes qui boxent ?
Hélas, la culture se dégrade en politique et là je serai moins indulgent, ayant saisi au vol quelques bribes de son programme. Je lui rends tout de même hommage pour la belle formule "L'addiction française à la dépense publique" qui a fait grincer bien des dents. Attendons de voir s'il n' s'agit pas seulement d'une posture et s'il saura rester droit dans se bottes face aux Mélenchon et auxtres Filoche. S'il a bien saisi que changer le bac était important il ne semble pas penser que c'est urgent : 2021! Festina lente comme aurait dit Najat. Du reste il n'ose pas aller jusqu'au bout : faire du bac un simple certificat de fin d'études et imposer un examen d'entrée dans le supérieur. Et, bien sûr, l'habituel coup de merlin sur le crâne des fumeurs, ces pelés, ces galeux qui creusent le fameux trou que la Touraine se vantait d'avoir comblé. Le paquet de cigarettes à 10 euros comme dans les austères pays du Nord qui nous fascinent ! Fumer va devenir un plaisir réservé aux riches, je m'en fous, je suis riche et continuerai à souffler ma fumée au nez des puritains hygiénistes, mais moi je pense aux autres, au délice de la cigarette après une tâche fatigante ou délicate. Les gueux n'y auront plus droit : il faut les garder en bonne santé pour qu'ils puissent travailler plus longtemps. En bonne santé ? On peut en douter : rien contre les pinardiers et les diésélistes assassins. A propos de santé , d'autre part, on rend obligatoire des vaccins jusque là seulement recommandés. J'en connais qui vont se goinfrer et je m'interroge sur le libéralisme macronien. Le libéralisme doit marcher sur deux jambes et là il ne semble pas s'appliquer aux problèmes de société : nous savons ce qui est bon pour votre vie, laissez-nous faire et créez votre start up pendant ce temps. Mais des "bribes", disais-je. Tout n'est peut-être pas à jeter. Wait and see comme dirait son patron dont l'aisance en anglais fait l'admiration de tous.