"Et le gouvernement, vous en pensez quoi du gouvernement ?"
Quelques impressions, sans plus. On jugera sur pièce après les fameux 100 jours qui donnent lieu à un premier bilan (les journalistes sont gens pressés). Du reste on n'est même pas sûr qu'on n'en aura pas un autre le mois prochain malgré les vents favorables qui poussent notre jeune pilote.
A tout seigneur tout honneur, nous avons donc touché un premier ministre énarque, barbu et boxeur. Voilà une figure un peu originale, à part l'ENA bien sûr. La barbe, on n'en avait pas vu depuis longtemps, mais ce n'est pas une belle barbe bien étalée de radical-socialiste de la IIIème république un peu salie par la roborative nourriture des banquets républicains, non, ce serait plutôt celle de la vague des députés PS en 1981, ce qui est d'assez mauvais augure, il faut bien le dire. Il a aussi un beau front haut d'intellectuel, là le signe et favorable. Pratiquer la boxe est original et ce sport d'esquive et d'endurance semble parfaitement adapté au combat politique. En tout cas il échappe au ridicule d'un de ses prédécesseurs avec ses caleçons collants de cycliste. Comme beaucoup d'énarques qui se la jouent en montrant qu'ils peuvent réussir dans des domaines très éloignés de leur formation, il a écrit des romans policiers (à quatre mains, il est vrai). Le très brillant Edgard Faure avait fait de même en son temps sous le pseudo d'Edgar Sandey. Le seul extrait qu'on en ait publié montre que notre homme (à moins que ce ne soit son complice) aime les gros seins sur lesquels on se roule, il le fait avec tant d'insistance, qu'on se demande...Passons. Il a été aussi maire du Havre, ce qui vaut mieux que d'être maire d'Eu (plaisanterie locale) mais le fossé n'est-il pas trop large d'un sous-préfecture à la capitale ?
Vient ensuite le premier cercle : les ministres d'état. Parmi eux Bayrou qui ne sera jamais président de la république mais clora sa carrière avec une charge prestigieuse, ministre de la justice, garde des sceaux, noble appellation qui évoque la France éternelle des rois à la République. On lui souhaite quand-même bien du plaisir avec les prisons surpeuplées qui sont la honte de notre pays, les tribunaux qui manquent cruellement de personnel et les secrets de l'instruction qui sont devenus ceux de Polichinelle. Il est vrai qu'il a montré, à l'Education, qu'il savait tenir une patate chaude. Le Maire, le gendre idéal, à l'Economie, ça surprend un peu, on l'aurait plutôt vu aux Affaires étrangères à cause de son excellent milieu et de sa prestance, mais enfin avec cet homme de droite dans un ministère-clé ceux qui hésitaient encore verront de quel côté penche son patron. Il est flanqué de Darmanin "à la Fonction publique et aux comptes publics". C'était ce qu'on appelait le Budget, mais ce rapprochement suggère que les fauteurs de déficit sont ces maudits fonctionnaires. Avec Sylvie Goulard aux Armées, Macron se fait un petit coup de pub et de féminisme à peu de frais. Il a dû penser à la populaire ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leiden. Tant pis pour ceux qui l'attendaient à l'Europe qu'elle connaît bien. Bravo en tout cas pour le nouvel intitulé de son ministère : Défense était trop abstrait, Défense nationale rappelait fâcheusement la guerre de 70. Ce sont des marins, des aviateurs, des fantassins qui forment nos armées et se battent pour nous, ne l'oublions pas. Du coup l'Europe et les Affaires étrangères reviennent à Le Drian, ce qui m'a fait sursauter, mais, hélas, c'est assez logique. Un ministre des Affaires étrangères est devenu un commis-voyageur pour placer des produits français et notre Breton a une compétence après avoir vendu des armes de par le Monde. Ô mânes de Norpois, les temps ont bien changé. Rappelons pour mémoire Hulot à "la transition écologique et solidaire", quelqu'un m'expliquera peut-être un jour le rapport entre les deux, et Collomb merdelion comme on disait sous Pradel.
Ensuite on tombe dans les inconnus (c'est ça la société civile) ou les inattendus. Pas tout-à-fait inattendu, le premier traître du PS, Ferrand qui hérite de la "Cohésion des territoires", je suppose qu'il s'agit de feu l'Aménagement. Il y a une Justice immanente, il va en baver dans un pays de plus en plus morcelé : métropoles, France périphérique, ouest et est, ghettos communautaires, zones de non-droit...Françoise Nyssen, elle, est connue, du moins de ceux qui lisent, même si sa maison d'édition ne découvre pas un génie tous les jours contrairement à ce que certains semblent penser. Dommage qu'on murmure une histoire de secte et de conflit d'intérêt à son encontre. Comme c'est devenu l'usage on met à des postes modestes des "représentants de la diversité", les méchants disent un arabe et un nègre (en l'occurrence c'est une femme) de service. On a mis cette dernière aux sports, c'est limite raciste... Le contingent des Coréens étant épuisé, il n'y a pas d'Asiatique. Parmi tous ces obscurs, ces sans-grades que je ne nommerai pas (même avec un gouvernement "resserré", c'est long) certains se sont déjà fait remarquer. J-M Blanquer, ministre de l'Education (qui n'est plus nationale) a esquissé son programme dans une interview, mélange de langue de bois et de propositions séduisantes (sur le latin, l'histoire...), peut-être trop, mais cet ancien recteur sait qu'il faut passer de la pommade à ceux qui sont au front et qui espèrent que l'arrière tiendra. Nous avons un ministre de l'agriculture, mais pas de ministre de la mer, nous qui avons un des plus grands domaines maritimes du Monde, allez comprendre...En revanche on a des "Outre-mers", ce pluriel m'a toujours ravi par sa démagogie sous-jacente. Enfin, je regrette de finir sur ce mauvais élément, n'oublions pas l'inénarrable Marlène Schiappa qu'on a collée de façon très orwellienne à "l'égalité homme-femme". Dans un livre édité à la Musardine (maison d'édition spécialisée dans le livre grivois, rien à voir avec Actes sud) elle se moque des "grosses" et de leurs pratiques sexuelles, ce qu'elles n'ont guère apprécié. Plus grave est sa laïcité très tempérée qui s'accommode du voile à l'école . Gageons qu'elle participera au "processus de marche exploratoire" du côté de la rue Pajol et expliquera aux jeunes mâles qu'eux aussi devraient mettre un voile et accepter que que les femmes - grosses ou pas - puissent aussi leur mettre la main aux fesses.