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Causons derechef
7 mai 2017

Brigitte Macron et l'âge du capitaine

Une de mes amies québécoises a posté sur sa page un article de la "Presse" de Montréal sur le couple Macron intitulé "La différence d'âge qui dérange" et commençant ainsi :"En France on ne parle que de ça". Chacun sait que les féministes canadiennes sont redoutables (probablement parce qu'elles ont eu à affronter des hommes particulièrement machistes), mais là elles voient vraiment la réalité par le petit bout de leur lorgnette. Les Français y sont caricaturés en indécrottables machos ayant une vision préhistorique de la Femme et lui refusant des gigolos quand eux se paient des lolitas. Les bûcherons ou les ouvriers du pétrole québécois seraient-ils donc devenus, sanctifiés par Justin Trudeau, des féministes intransigeants qui feraient la pige à nous autres?.. J'ai bien sûr commenté ce statut en disant que, même s'il y avait eu quelques dérapages, mes concitoyens parlaient encore plus du programme de Macron. J'aurais pu ajouter que l'étalage obscène du couple dans la presse pipole à des fins de propagande et de conquête de certains segments de l'électorat, les baisers baveux devant des salles survoltées, y étaient peut-être aussi pour quelque chose, et que tout cela avait été combiné par le couple pour faire élire monsieur. Même Sarkozy, c'est dire, avait été plus mesuré dans l'utilisation de ses compagnes à des fins de propagande. J'aurais pu dire aussi que souvent ce n'était pas la différence d'âge qui était critiquée mais la vêture de la dame qu'on pouvait trouver passablement vulgaire, mais je me serais aventuré sur un terrain glissant et aurait aggravé mon machisme d'un once de gérontophobie.

De fait, cette différence d'âge inhabituelle est passée assez bien au nom de la liberté individuelle : chacun fait de son corps et de son coeur ce qu'il veut, la société n'a pas à porter de jugement. On serait tenté de conclure qu'il y a eu une évolution favorable des moeurs, si on se rappelle l'affaire Gabrielle Russier avec laquelle la comparaison s'imposait . Elle, toutefois, ne s'est pas terminée en conte de fée, mais tragiquement. Précisons pour les jeunes. En 1968 une prof de lettres et un de ses élèves,16 ans, tombent amoureux. Les parents du garçon prennent très mal la chose, les amants se cachent, mais  plainte est déposée pour détournement de mineur et l'adolescent est interné en psychiatrie. Gabrielle, poursuivie et condamnée, est emprisonnée quelques mois, puis bénéficie d'un sursis mais le Parquet fait appel. Ne supportant pas cet acharnement, séparée de son amant, elle se suicide. Son souvenir perdure dans une chanson, un film (médiocre), un polyptyque, mais surtout une conférence de presse de Pompidou où, interrogé sur cette affaire qui avait fait grand bruit, il répondit par des vers d'Eluard : "Comprenne qui voudra / Moi mon remord ce fut la victime raisonnable au regard d'enfant perdu...". Sommes-nous donc devenus plus tolérants ? Voire. Je ne sais plus qui faisait remarquer que si l'histoire du couple Macron ne s'était pas déroulée au sein de la bourgeoisie d'Amiens, dans un collège religieux où on abhorre le scandale, la DAS se serait saisie de l'affaire et la femme serait en prison. D'un autre côté les parents de Christian, le jeune amoureux de Gabrielle, appartenaient aussi à la bourgeoisie, ils étaient professeurs d'université (et communistes, ce qui ne les portait pas à approuver de tels débordements). Il faut plutôt créditer l'impact des idées féministes : égalité de droit pour détourner des mineurs...Du reste nous ne sommes pas encore débarrassés de bien des tabous et interdictions dans le domaine sexuel, le moindre n'étant pas celui de la pédophilie. Ce pauvre Cohn-Bendit porte comme une croix les passages d'un livre où il rendait compte d'une expérience communautaire avec adultes et enfants dans la fièvre des années 70, quant aux curés, n'en parlons même pas...

Ces problèmes de morale sexuelle ont été traités, avec d'autres  par un philosophe qui vient de mourir et auquel le "Monde" a consacré une belle nécro, Ruwen Ogien. Ce moraliste libertaire s'est fait le défenseur de pratiques minoritaires contre les "bonnes moeurs". Il dénonce le passage de jugements moraux réprobateurs à une légalité punitive (censure des livres, répression de l'homosexualité, de la drogue...). Il souscrit au principe unique d'éthique du philosophe libéral Stuart Mill : "La seule raison légitime d'une communauté pour user de la force contre un de ses membres est d'empêcher que du mal soit fait à autrui". Pour Ogien il n'y a crime que s'il y a victime et il n'aurait pas condamné les deux couples maudits...Les autres engagements qu'il prend sont parfois plus contestables. Si les pratiques sado-maso, la consommation de drogue, voire la prostitution, qui est une libre disposition de son corps, ne sont pas à première vue condamnables, qu'en est-il de l'homoparentalité (peut-être faut-il après tout "un papa et une maman" pour structurer la personnalité de l'enfant) ? Comme il soutient la GPA on a aussi reproché à ce libertaire d'être un libéral prônant la marchandisation du corps. Ces questions sont délicates mais il les dissèque avec beaucoup de finesse à partir de cas concrets dans des livres au titre réjouissant et prometteur : L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et Philosopher ou faire l'amour. Je vous laisse devant ce choix car je veux publier ce texte avant 20 heures pour ne pas tomber sous le coup d'une inculpation pour offense au chef de l'état.

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