5 mai 2017
Le seau hygiénique et le moulin à café
Comme je suis en pleine période régressive (j'ai évoqué dernièrement les présidentielles des années 60), faisons un saut dans les années 50 vues à travers quelques objets usuels peu ou prou disparus.
Le seau hygiénique : Il fut d'abord en émail, d'une belle couleur bleue en général, avec une anse en métal à poignée de bois. Il suppléait aux cabinets au fond du jardin ou sur le palier, la nuit, et même le jour pour les malades. Une des premières tâches de la maîtresse de maison à l'aurore n'était guère poétique : il fallait aller le vider puis le rincer à l'eau de javel. Ce produit de nettoyage était fort utilisé à l'époque de même que le savon de Marseille ou le savon noir. Son odeur m'était insupportable et je me demande si ce n'est pas une des raisons qui m'ont fait détester le Maroc (avec d'autres plus personnelles tout-de-même...) : les Marocains en usaient et en abusaient et son odeur atroce flottait partout. Comme le progrès marchait déjà à pas de géant en ces temps reculés, le plastique remplaça l'émail, ce qui permit au moins d'uriner de façon plus discrète. Il n'a pas complètement disparu, on en voit parfois dans les jardins transformés en pots de fleurs. On ne saurait confondre le seau hygiénique avec le pot de chambre, de dimensions plus modestes. Celui-ci, une sorte de vase renflé en faïence muni d'une anse en oreille, était en principe placé dans la table de nuit que fermait une petite porte. Son usage était plus délicat : il fallait bien viser et ne pas manquer de souplesse si on le posait sur le sol. Le fond en était parfois orné d'un monument symbolique d'une ville avec la mention "souvenir de" ou, plus souvent, d'un oeil, car l'humour ne perd jamais ses droits en France...Qui sait s'il n'y en a pas eu des séries avec binettes d'hommes politiques qu'on pouvait conchier. De quoi rêver, non ? Le moulin à café : On en trouve peut-être encore chez quelques écolos adepte de la décroissance et bien résolus à ce qu'on ferme au plus vite les centrales nucléaires, ou alors dans des intérieurs, comme simples objets décoratifs manifestant une pointe de nostalgie et de révérence pour le passé . Eh oui, autrefois on n'achetait pas le café moulu, on le moulait (ça paraît bizarre, mais j'ai vérifié dans Bescherelle) soi-même. Je ne me rappelle pas que le mécanisme fût réglable : tout le monde était au même régime, une mouture moyenne. Comme on y ajoutait une pincée, voire une cuillerée de chicorée (je me rappelle encore la marque : Leroux et le paquet orné d'une soubrette apportant une cafetière sur un plateau) et qu'on en faisait une quantité qu'on réchauffait au-fur-et-à-mesure, le résultat n'était pas brillant et un abîme nous séparait de l'espresso. Les enfants se disputaient la gloire de mouliner le café, je me demande bien pourquoi. Il y a quelques années, j'ai essayé de le faire et j'ai trouvé ça aussi long que pénible.Dans les années 60 il fut remplacé par le moulin électrique, responsable de bien des doigts coupés et bientôt on ne trouva quasiment plus que du café moulu comme si les gens devenaient de plus en plus paresseux. Le garde-manger : Ce cube ou ce parallélépipède avec une armature en bois sur laquelle était cloué un fin grillage tenait lieu de réfrigérateur. Ce dernier ne se répandit que bien après la machine à laver (je traduis pour les plus jeunes : lave-linge) car il représentait un superflu dont on se privait dans une France qui n'était pas déjà entrée dans la société de consommation et toute empreinte encore d'une mentalité paysanne. En ville, dans les immeubles populaires on voit encore parfois de l'endroit où on le logeait sous l'appui de la fenêtre. Dans les maisons particulières on le mettait dans l'endroit le plus frais : la cave. De fait, sauf peut-être au cours des étés très chauds, les aliments s'y conservaient assez bien, le goût des fromages n'était pas gâté par le froid, il ne manquait que les glaçons (encore un luxe dont on se privait sans regret). A la campagne la fermière y alignait ses fromages pour qu'ils s'affinent après les avoir posés sur une feuille de châtaignier (là, le bobo frémit...). Il voisinait avec le tonneau où l'on jetait les fruits abîmés, voire les trognons, avant de le porter à l'alambic pour fabriquer cette gnôle qu'on appelait "confiture de vieux garçon". La lampe à pétrole : Elle trônait en bonne place dans chaque maison à une époque où les pannes de courant étaient fréquentes au moment des tempêtes qui abattaient facilement les poteaux en bois. Souvent elle était assez joliment peinte et décorée. On devait acheter du pétrole lampant chez l'épicier, mais je n'ai aucun souvenir de l'avoir jamais fait. L'allumer et régler la flamme étaient toute une histoire : il ne fallait pas qu'elle file et que le verre noircisse, ce verre qu'il fallait manier avec d'infinies précautions. Il y avait aussi provision de bougies qu'on montait dans les chambres, fichées dans leur bougeoir en cuivre. Bientôt les pannes se sont faites plus rares , probablement à l'époque où l'EDF unifia tous les syndicats départementaux, augmenta ses effectifs et se mit à planter des poteaux de ciment. Les lampes à pétrole restèrent comme éléments décoratifs et on en a même électrifié.Il faut maintenant des "tempêtes du siècle" pour provoquer de longues pannes qui indignent les gens de plus en plus dépendants de l'électricité, obligés de se contenter du chauffage-pull et de donner aux chiens le contenu de leur congélateur.Commentaires
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