Souvenirs des présidentielles de 1965
50 ans déjà, mâtin ! Les premières de la toute jeune Vème république qui ne mérite sûrement pas le discrédit que jettent sur elle de jeunes daims ambitieux et de vieux révolutionnaires faisandés. Voici ce dont je me souviens, moi qui étais bien jeune mais m'intéressais à la politique et ai même distribué des tracts pour un des candidats. Je ne vérifie ici aucun fait et n'en ajoute pas, quitte à oublier des événements importants, des chiffres et même des candidats...Ne subsiste que ce qui m'a frappé.
D'abord la campagne télévisée qui nous paraîtrait maintenant trop sobre, sérieuse, en un mot ennuyeuse.Tous les soirs à la même heure, sur la chaîne unique en noir et blanc, les candidats filmés de face en gros plan débitaient leur programme. Le dispositif était parfois changé (mais il me semble que cela n'a concerné que le second tour) et il se trouvait face à un journaliste qui l'interrogeait. Je me souviens de l'interview la plus célèbre, celle du général De Gaulle par Michel Droit, ce spécialiste de la brosse à reluire que le "Canard" surnomma Michel Courbe. Le Général mima le geste de sauter sur sa chaise pour dauber les européistes "qui crient l'Europe, l'Europe en sautant comme des cabris". Je ne me rappelle plus le faire-valoir de Mitterrand. Évidemment, à l'époque, pas question de débat entre tous les candidats. Vous imaginez le général De Gaulle... Du reste ils n'étaient que six, cinq contre le président qu'ils réussirent à mettre en ballottage à la surprise générale. En réalité on aurait pu l'imaginer. Celui-ci avait réglé, au prix de bien des souffrances et bien des rancoeurs le lourd problème algérien pour lequel on l'avait rappelé, comme en 1946 on n'avait plus besoin de lui. Et puis il y avait eu la grande grève des mineurs qui lui avaient tenu tête en 1963 et une modernisation du pays menée à la hussarde qui fit des victimes. Face à lui François Mitterrand, candidat d'une gauche unie provisoirement dans la FGDS après le flop de l'opération "Monsieur X" menée par "L'express" qui voulait faire investir Deferre comme candidat du centre-gauche. Il fit plus de 30% au premier tour. L'opposition de droite (ou du centre, comme on voudra) fit un tabac avec 18% grâce à Lecanuet, jeune, souriant, bel homme (une sorte de Macron...). Mauriac qui, en bon gaulliste, le détestait parce qu'il avait mis le Général en ballottage le surnomma "Kennedillon". Il y avait déjà un candidat d'extrême-droite, Tixier-Vignancour ex-fonctionnaire de Vichy et un des avocats attitrés de l'OAS. Il sut jouer de sa trogne et de sa célèbre "voix de bronze" qui vous passait partout, faisant parler le sentiment plus que la raison, rappelant les souffrances des pieds-noirs et des harkis et il obtint ainsi plus d'un million de voix, résultat inespéré pour une extrême-droite encore mise au ban à cause de la collaboration. Sa haine de De Gaulle était telle qu'il se désista pour Mitterrand au second tour (il est vrai qu'il l'avait peut-être rencontré dans les couloirs de l'Hôtel du Parc...). On avait aussi des "petits candidats". Par exemple Marcilhacy, sénateur de la Charente (on se croirait chez Balzac ou Chardonne...) dont la seule qualité était d'être plus grand (en taille) que son rival. Il condamnait la constitution de 1958 à l'instar du président de son assemblée, Monnerville. Le plus folklo était indubitablement Barbu (qui ajoutait au ridicule de son nom celui de son prénom, Marcel). C'était une sorte d'abbé Pierre geignard qui avait été quelque chose, me semble-t-il, dans le mouvement coopératif à la Libération. De Gaulle, comme on sait, l'emporta au finish, mais ce ne fut pas un triomphe, un 55/45 qui ouvrait à Mitterrand sa deuxième carrière politique loin des jardins de l'Observatoire et des combines de la Quatrième, et qui annonçait la fin prématurée du second mandat gaullien.
Je votai pour la première fois aux présidentielles de 1969. Les choses avaient changé, 1968 était passé par là. On se souvient du dessin de couverture de "Hara Kiri hebdo" avec cette légende : "Qui a les plus grosses fesses, Pompidou ou Poher ?". Le second tour opposa ces deux candidats de droite, la Gauche fut laminée avec l'improbable tandem Deferre/Mendès-France. Le PC, lui, tira son épingle du jeu grâce au rondouillard et faux gentil Duclos, stalinien de la plus belle eau. Il y eut aussi la première candidature trotskiste avec Krivine, bidasse en congé. Comme on sait, elles devaient se multiplier...Nous étions entrés dans une ère nouvelle...