Qu'éclatent tous les plafonds de verre !
La "trahison" de Valls ne m'a guère choqué, même si je crois à la valeur de la parole donnée. Après tout c'était un prêté pour un rendu, Hamon et sa bande s'étant montrés parfaitement déloyaux sous son gouvernement. Mais était-il vraiment nécessaire de dissimuler son désir de créer un pôle social-libéral ou social-démocrate - appelons le comme on voudra - sous la volonté proclamée de sauver la France de la menace du Front national ? Tous les partis se situent à un moment ou un autre par rapport au FN comme s'il n'y avait pour ainsi dire aucune différence entre eux face à ce pelé, ce galeux. Pourtant les derniers scrutins ont montré que la stratégie du tous contre un seul marchait de moins en moins bien et de plus en plus de gens se disent que Marine Le Pen "risque" de passer avec des tremblements dans la voix et une lueur de panique dans les yeux. Pour certains il s'agit d'une tactique assez grossière qui consiste à effrayer l'électeur, créature un peu primaire dont on a besoin à intervalles réguliers mais incapable de raison et dominée par ses émotions. Mais allez donc agiter l'épouvantail du fascisme, du racisme, de la xénophobie, de je ne sais quoi encore, sous le nez des heureux habitants de la France périphérique qui ont bien d'autres soucis qui s'appellent chômage, insécurité, manque de services publics, écoles en perdition. Ils répondent "vous nous la baillez belle, qu'avez-vous fait pour nous depuis des décennies ?". Ils sont encore nombreux malgré leur disparition programmée, et surtout ces gueux commencent à l'ouvrir, à parler de "coup de pied dans la fourmilière", à ne plus se terrer à l'écart du pays qui compte mais à vouloir aussi quelques miettes du gâteau.
Et si, donc, elle gagnait ? Je ne le crois pas et j'ajoute, pour ne pas faire fuir mes derniers amis que je n'envisage pas de voter pour elle, mais on ne peut écarter l'hypothèse. Je doute que ce soit alors la catastrophe annoncée. J'espère, en premier lieu, que tous mes concitoyens qui se gargarisent avec les "valeurs républicaines" auront à coeur de respecter cette première loi de la démocratie qui est que le pouvoir est confié à ceux qu'a élus la majorité des citoyens, qu'il faut être beau joueur et laisser de temps en temps la place aux autres. Le FN manquera de cadres pour gouverner ? Peut-être, mais j'en doute, l'appétissante odeur de soupe ralliera tous les affamés de pouvoir ou de prébendes. Les fonctionnaires continueront à faire tourner la machine que n'enrayera pas la démission de quelques diplomates en mal de célébrité. Dans les salles des profs on se regardera d'un air accablé le matin du 9 mai puis la conscience professionnelle l'emportera. Quelques turlupins "entreront en résistance" et quelques sportifs s'exileront en Suisse où le parti majoritaire n'a rien à envier au FN. Bon vent à eux tous ! Enfin, déjà dans les "quartiers" beaucoup de gens, victimes d'une politique de la ville aussi incohérente qu'inefficace, se disent que ça ne peut être pire et pensent comme tous les immigrés installés qu'il faut fermer le robinet de l'immigration, on n'est pas forcément partageux quand on est pauvre. Mais surtout Marine Le Pen ne sera pas plus tenue par son programme que les autres. Si elle veut l'appliquer strictement et intégralement elle sera balayée rapidement par une crise sociale et politique, elle préférera gouverner cahin-caha, de compromis en reniements, pour le réaliser partiellement comme tous l'ont fait avant elle. Alors ne nous affolons pas et jouons le jeu honnêtement en laissant les mêmes chances à chacun et arrêtons de croire que tout le monde nous regardera avec horreur si la dame arrivait au pouvoir (soit dit en passant nous aurions dû éviter naguère de faire la leçon à d'autres pays...). Une femme présidente avec, peut-être, un premier ministre gay, ne sera-ce pas la preuve que la France est toujours à l'avant-garde des moeurs ?...