"Le Monde" et le communautarisme
Décidément "Le Monde" n'apprend pas et cède toujours à ses vieux démons. Quand, en 2002, les cendres d'Alexandre Dumas ont été transférées dans ce temple républicain, il titrait (je cite de mémoire) : "Un mulâtre entre au Panthéon". Beaucoup de ses lecteurs lui firent remarquer que c'était peut-être un écrivain, et quel écrivain! qui était ainsi honoré. Y eût-on fait entrer George Sand (on y a pensé) qu'il aurait titré : "Une femme au Panthéon" (du reste il y en a déjà une, dans l'ombre de son mari, il est vrai) au mépris de l'abondante production littéraire de la romancière. Le voici qui récidive avec ce titre : "Gaël Kamilindi, un métis entre à la Comédie-Française". Sommes-nous donc maintenant dans l'ère des contingentements : tant de natifs au carré (concept forgé, non sans ironie, par la démographe Michèle Tribalat pour désigner les "Gaulois" sans heurter les sensibilités vives), tant de métis, tant de quarterons (irons-nous jusqu'à l'octavon ?), tant de subsahariens et même d'Asiatiques, cette communauté trop discrètes pour faire valoir ses droits, sans compter les catégories liées aux préférences sexuelles ? Le journal ne voit-il pas combien il est insultant à l'égard du comédien en faisant abstraction de son talent et en ne voyant dans ce couronnement qu'une politique de promotion des minorités ? Le zèle antiraciste a parfois de drôles de conséquences.
Dumas, comme chacun sait, utilisait couramment des nègres qui lui préparaient la besogne. L'usage est assez courant en littérature et un certain nombre d'écrivains ont fait ainsi leurs gammes et avouent sans honte ce péché de jeunesse. Mais bientôt ils ne pourront pas dire fièrement "je suis ou j'ai été un nègre". Des organisations antiracistes (au premier rang desquelles le CRAN) veulent qu'on interdise le mot et qu'on le remplace par une lourde traduction du ghost writer anglo-saxon. Traquons le racisme dans les moindres recoins...Personnellement je m'en tiendrai à la tradition et je continuerai à utiliser ce honteux vocable, de même que l'expression "travailler comme un nègre" et je me régalerai toujours de "nègres blancs". Répondons par des mesquineries à la bêtise...Cette histoire de nègres m'en rappelle une autre, récente. En Hollande Saint Nicolas, dont la fête est très populaire, est accompagné traditionnellement lors de sa tournée des écoles pour distribuer des friandises, d'une sorte de père Fouettard appelé Zwarte Piet (Pierre le noir) déguisé en valet nègre de comédie. Évidemment les associations antiracistes sont montées au créneau pour dénoncer un stigmatisation d'une partie de la population et réclamer l'élimination du personnage. Tout aussi évidemment Gert Wilders, le populaire leader d'extrême-droite, l'a défendu au nom de la culture hollandaise et de la nécessité de s'adapter au pays dont on est l'hôte (ainsi les crèches de Noël sont-elles "culturelles" pour beaucoup de Français et méritent-elles d'être défendues). Quoi qu'il en soit la municipalité d'Amsterdam, sacrifiant au politiquement correct, a remplacé Pierre le noir par Pierre fromage, un personnage à peau jaune comme les pâtes molles hollandaises. Être antiraciste est vraiment difficile...