A Bobigny comme à La Souterraine, pour les jeunes y'a rien à faire...
"Qu'est-ce que j'peux faire, j'sais pas quoi faire." : les cinéphiles se rappellent cette scie d'Anna Karina dans Pierrot le fou que pourrait faire sienne la jeunesse malheureuse enfermée dans les "quartiers". Cet ennui qu'on croyait réservé aux villes agonisantes de la France périphérique, les frappe aussi et leur dernière trouvaille pour y échapper, c'est d'organiser de gigantesques batailles où les guerriers des Hortensias ou de Maurice-Thorez s'affrontent sur un terrain désigné (battes de base ball autorisées mais pas les Kalachs), et comme ces voyous ne respectent rien c'est maintenant dans les centres-ville sous le nez même des bobos. Derniers exemples : Clermont-Ferrand et Montpellier. Clermont, on le comprend : la ville est sinistre et n'a même pas un petit festival de portée internationale pour se donner une aura culturelle, mais Montpellier ? Le proconsul de Septimanie a dû se retourner dans sa tombe : n'avait-il pas fait de sa ville un lieu branché où culture et Boutique cohabitent harmonieusement ? Oui, mais voilà : tout pour le centre et rien pour la périphérie et jeunes de se plaindre "A Montpellier, y'a rien à faire!"
Que faudrait-il donc à nos lascars pour combler cette béance quasi métaphysique ? Cette jeunesse très physique manque-t-elle d'équipements sportifs ? Terrain de foot, street basket, piscine, mur d'escalade, que sais-je encore ? On a jeté la manne à profusion sur nos jeunes gens (Bien entendu cela ne concerne pas les jeunes filles qui sont à la maison, font leurs devoirs et aident la maman). La culture ou ce qui en tient lieu ? Rap, slam, hip hop dans des salles municipales. Les cerveaux et les corps les plus exigeants devraient être comblés. Hélas, de temps en temps une "maison de la culture" brûle, un mur d'escalade est démoli, un club saccagé et soulagé de ses ordinateurs. Il faut bien que jeunesse se passe... Restent les cafés mais les "frères" ont fait comprendre à ces kouffars que leur place n'était pas ici : tout le monde au régime kebab, frites, Orangina. Les autres commerçants les ont vite suivis, las de se faire voler. A quoi donc s'occuper ? Tout le monde ne peut pas être dealer ou guetteur et on ne sait pas raccrocher les décrocheurs. Toujours en quête d'un "ailleurs" ils iraient volontiers dans les centres-ville lécher les vitrines des magasins de sport ou de téléphonie, regarder sous le nez les Gauloises court-vêtues qui les changent des joggings informes de leurs soeurs mais leurs quartiers sont mal reliés et, sortis de leurs réserves, ils sentent peser sur eux l'hostilité et les "mauvais regards".
Que faire alors ? Allons nous abandonner à leur sort nos lascars qui sont l'avenir et la chance de la France ? Quand nous étions jeunes et que nous nous ennuyions, on nous disait "Lis" et au bout de cinq minutes l'ennui s'était envolé. Nos djeunes, hélas, ne voient pas les choses de la même façon. Le goût de la solitude leur est tout-à-fait étranger et ils n'envisagent de loisir que collectif : foot en bas des immeubles, palabres sans fin dans les halls qui sentent la pisse (en Afrique les adolescents peuvent passer des heures à discutailler dans la cour d'une concession en buvant un ignoble thé sirupeux). Et puis lire, il aurait fallu qu'on leur en donne le goût. Leurs profs ont bien essayé mais se heurtaient à l'indiscipline et au bruit qui empêchent la concentration nécessaire pour s'intéresser à une histoire et à des personnages, sans compter le regard de l'Autre qui a vite fait de vous traiter de bouffon et de vous le faire payer à la sortie. Si, donc, on ne peut élever les âmes, faisons s'épanouir les corps, et quand je dis "corps" je pense "sexe". C'est le problème majeur d'une jeunesse pleine de sang et d'hormones qui se calmerait et trouverait le bonheur en pratiquant des jeux sexuels plus piquants que des "tournantes" dans les caves. Oui, mais voilà :"Touche pas à ma soeur ou je te tarte la gueule à la récré" (en réalité, je t'attends avec mes potes armés de battes de base ball à la sortie du LEP, voire à l'intérieur, et je te laisse pour mort). Faudra-t-il donc créer des BDQ (Bordels pour Djeunes des Quartiers) sur le modèle des BMC (Bordels Militaires de Campagne) que les vétérans de nos guerres se rappellent avec nostalgie ? Et si ça ne suffit pas, que le gouvernement prenne le contrôle de ce nouveau jeu, organise des derbys entre quartiers, des championnats départementaux et nationaux, des paris. Ah ! si les politiciens avaient un peu d'imagination...