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Causons derechef
5 février 2017

Contre le repli sur soi et la haine de l'Autre le "Monde" mène toujours le bon combat

Qui aurait cru que Julie Clarini, collaboratrice du "Monde des livres" était une guerrière ? Dans son article qui promeut L'histoire mondiale de la France (sous la direction de Patrick Boucheron, collaborateur du "Monde des livres") elle met sabre au clair pour accompagner dans leur offensive"le bataillon des historiens de métier qui montent au front"  qui "investissent le débat public" quand ils ne se livrent pas à des "razzias" dans le camp adverse. Visiblement l'heure est grave et la guerre est déclarée. Qui sont donc les adversaires ? A ma droite une bande de traîne-patins miteux, j'ose à peine écrire les noms, dont certains me sont d'ailleurs inconnus : Lorànt Deutsch, Jean Sévillia et autres Zemmour. Ils ont étudié l'histoire dans "Historia", s'arrangent avec la vérité comme de vulgaires Trumps, entonnent le péan de la France éternelle et de la gloire de nos aïeux et, pour brocher sur le tout, affichent l'idéologie la plus sombrement identitaire et la haine de l'Autre la plus abjecte, se réjouissant que les Arabes aient été arrêtés à Poitiers en 732 ou que Jeanne ait bouté l'Anglais hors de France. A ma gauche 120 "historiens de métier" chercheurs et enseignants sous la houlette du prestigieux Boucheron, professeur au Collège de France (si vous ne le connaissez pas, c'est que vous vivez au fin fond de l'Auvergne dans un buron qui ne capte ni réseau ni ondes hertziennes : on ne voit que lui dans les médias). Au nom de la neutralité de la recherche, ils se défendent de toute idéologie même sanctifiée par la Bonne presse. Voire...En tout cas le combat paraît inégal entre quelques franc-tireurs et cette phalange glorieuse. Oui mais les premiers vendent très bien leurs livres, le "roman national" chatouille la veine héroïque et patriotique du lecteur moyen, alors que les ouvrages des historiens, plus austères, restent réservés aux spécialistes.

La contre-attaque prend donc la forme d'un livre de 800 pages, certes, mais qui fait oeuvre de vulgarisation :  Histoire mondiale de la France. En exergue une phrase de Michelet :"Ce ne serait pas trop de l'histoire du monde pour expliquer la France". Qui pourrait aller là contre ? La France, comme tout pays, est imbriquée dans l'histoire des autres, a connu les invasions mais aussi la colonisation, a fait la guerre ou du commerce, s'est frottée à d'autres cultures. Tout cela fut digéré, assimilé, transformé pour donner à notre pays son identité, qui n'est pas celle de ses voisins, quoi qu'on dise, et j'ai bien peur que cette différence croisse avec la distance. La journaliste écrit que cette formation s'est faite dans les ruptures et les discontinuités, mais toutes celles-ci, qui sont notre passé, finissent par former quelque chose qui nous unit et prend sens, "le souvenir des grandes choses faites ensemble, dit Renan". Elle se félicite aussi que cette histoire détruise quelques mythes, dont celui de 732 qui, décidément, ne passe pas. Qu'importe si ce ne fut qu'une escarmouche qui n'eut même pas lieu à Poitiers, ce qui compte c'est qu'à partir du milieu du VIIIème siècle les Arabes refluèrent. "La journaliste écrit"...mais que dit le livre ? Les 120 auteurs n'ont-ils en commun qu'une méthode scientifique ou partagent-ils la même idéologie de rejet de la "France moisie" et d'ouverture inconditionnelle aux populations et cultures d'Ailleurs ? (tiens, justement, Macron proclamait hier qu'il n'y avait pas de culture française mais une culture en France qui est diverse). Difficile de juger sans avoir lu l'ouvrage même si des soupçons peuvent peser sur le directeur de l'équipe...Du reste c'est la façon d'en rendre compte et de s'en emparer qu'a eue Clarini qui m'intéressait. Difficile, en tout cas, pour l'historien de se dépatouiller de la politique : soit il s'engage et est amené à tordre la vérité, soit il s'efforce à la plus parfaite neutralité et il devient la cible de telle ou telle communauté offensée qui le traîne devant les tribunaux (Pétré-Grenouilleau accusé de rien moins que de négationnisme ou Bensoussan d'islamophobie). Plus que jamais il est important de savoir d'où ça parle. Pour Julie Clarini il n'y a aucun doute...

Commentaires
L
L'école des Annales n'avait pas tort en étudiant la vie des gens dans leur époque. L'histoire de sabotier de Bellême de Corbin est édifiante. mais il ne s'agit pas d'Histoire de France mais d'histoire d'une France à une époque. Nous pourrions même dire d'une histoire européenne. On sait que l'Histoire des Français ne se résume à celle de leurs rois ou républiques. Celle-ci marque néanmoins quelques étapes qui permettent de s'y retrouver. Jules César ne vainquit pas les Sarrasins à Poitiers. Louis XIV n'a pas grandit à la cour de Charlemagne. La Révolution dont on nous rebat les oreilles n'a pas eut lieu hier. Il a fallu du temps pour faire la France d'aujourd'hui. Et v'est peut-être ce classement qui manque aujourd'hui. Les collégiens, nombre de lycéens et d'étudiant en université ne connaissent plus ou pas encore la géographie de la France. Comment voulez-vous que le jeune né en banlieue de parents émigrés se situe et trouve sa place dans un pays sans répères historique ni géographiques?
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