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Causons derechef
17 novembre 2016

"Swagger" : une nouvelle image de la banlieue ?

Je n'irai pas voir Swagger, énième film sur les jeunes de banlieue qui sont beaucoup moins "invisibles" que certains le prétendent. A mon âge on préfère revoir comme relire et, négligeant l'écume des jours, on revient aux classiques. Pourtant ce film a ébloui une certaine Isabelle Régnier du "Monde", l'organe le plus prestigieux de la Bonne pensée. Les méchants seraient tentés de voir en elle une caricature de journaliste bobote qui, tel saint Paul sur le chemin de Damas, a eu la Révélation : ces petits jeunes dont on dit tant de mal ont beau "être noirs des pieds jusqu'à la tête" (nous sommes dans un collège d'Aulnay-sous-bois à forte population subsaharienne, comme on dit), ils sont beaux, enthousiastes, fantasques, géniaux...Pour un peu elle retirerait ses propres enfants de l'Ecole alsacienne ou de Sainte-Croix de Neuilly pour les inscrire au collège Claude-Debussy. Elle fait grand crédit au réalisateur, Olivier Babinet, d'avoir "retourné, réduit à rien tous les clichés attachés à la banlieue". Admettons-le, mais la dame elle-même n'a pas fait ce même travail sur son style. Jugez-en : "des jeunes gens [...] des histoires plein la tête et des étoiles plein les yeux", "des couleurs qui pètent", "la fougue d'une jeunesse conquérante et gonflée d'espoir", "des jeux d'ombre et de lumière très graphiques", "la formidable qualité d'écoute du cinéaste", "leur bagou est le carburant d'une mise en scène ludique, volontiers artificielle", "[le réalisateur] ouvre les portes du rêve [et ne s'interdit rien] parce que rien n'est trop beau pour la jeunesse" et tout à l'avenant. Et le film là-dedans ? Apparemment le cinéaste ne répugne pas non plus au cliché comme en témoigne cette scène qui a transporté de bonheur Isabelle : "le fabuleux Régis et sa copine sont filmés au ralenti comme les Jay Z et Béyoncé du collège, fendant la foule de leurs congénères au son d'une techno scratchée poussée à plein régime". C'est beau comme du Lelouch. Et sa vision de la banlieue ? très soft, pour dire le moins. Un plan furtif montre une jeune fille ôter son voile avant d'entrer au collège, à croire qu'il n'y a ni imam ni grand frère à Aulnay pour imposer la pudeur à ces créatures du démon toujours prêtes à faire trébucher le croyant. Les attentats ? Un "gamin" (sic) en fait un sketch devant ses copains : pas de très bon goût mais au moins ça montre comment ils ont été reçus dans les "quartiers". Les trafics et la violence des gangs : deux enfants réveillés par les sirènes de voitures de police. Des victimes, toujours des victimes... Cette vision semble bien rose mais laissons la parole au réalisateur (qui était en résidence au collège) interviewé pour l'occasion : le tournage a été interrompu par des jeunes qui les ont rackettés et la production a été obligée de casquer. La réalité finit toujours par vous rattraper...

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