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Causons derechef
17 juin 2016

Du tangage chez les Bleus ou football et littérature

Comme je me fous du foot comme de mon premier nounours (qui a fini dans un cul-de-basse-fosse), que je ne sais même pas quelles équipes sont engagées, que je souhaite la défaite de la France pour faire rentrer dans la gorge de ses tifosi les cocoricos et autres Marseillaises, c'est par le petit bout de la lorgnette que j'aborderai l'Euro de foot qui partage l'actualité avec les carreaux cassés de l'Hôpital Necker.

L'homme par qui le scandale arrive fut d'abord Benzéma s'indignant que l'équipe de France n'ait pas son contingent de Maghrébins qui ne chantent peut-être pas la Marseillaise mais ne dédaignent pas quelques primes pour mettre du beurre dans le couscous. Aussitôt il reçut le soutien de Cantona qui, depuis qu'il fait du théâtre et du cinéma, a l'impression d'être passé dans la sphère des intellectuels, ceux qui donnent leur avis sur le monde comme il va et qui pétitionnent, puis de Jamel Debbouze que certains ne sont pas loin de considérer comme un nouveau Molière. Ne revenons pas sur cet appel au contingentement ethnique de notre équipe nationale dont toutes les conséquences, même les plus burlesques, ont été tirées par deux professeurs de médecine dans une tribune libre du "Monde" (voir ma page Fb). Ajoutons simplement une chose, cela rappelle "l'affaire Camus" qui a défrayé la chronique à la fin du siècle dernier (mon dieu, comme le temps passe...). L'écrivain (il s'agit évidemment de Renaud et non d'Albert) s'était plaint d'une sur-représentation de journalistes juifs à France-cu, le footballeur d'une sous-représentation d'Arabes chez les Bleus. L'inverse mais la même chose...Alors, Benzema lecteur de Renaud Camus ? Voilà qui ouvre des abîmes de perplexité...

Pogba, lui, n'a pas fait de déclaration fracassante mais a esquissé (et peut-être même un peu plus) un geste en passe de devenir aussi célèbre que le coup de tête de Zidane, un bras d'honneur puisqu'il faut l'appeler par son nom adressé à la tribune des journalistes qui s'étaient permis quelques critiques sur son jeu lors d'un précédent match. Tintamarre dans Landerneau, l'avait-il fait, ne l'avait-il pas fait ? Était-ce bien un bras d'honneur ou peut-être une quenelle à moins qu'il ne se soit simplement gratté la saignée du bras en même temps qu'il se grattait l'épaule (un bon footballeur doit savoir coordonner ses gestes) ? Et qui était visé, d'ailleurs, les journaleux ? son entraîneur qui l'avait mal noté ? ou le public insensible à ses exploits ? L'affaire était d'importance et nous valut plusieurs communiqués et de nombreux articles. La réputation déjà ternie de nos footballeurs, qui passent plus de temps à tourner des sex tapes qu'à Clairefontaine, allait-elle  de nouveau en souffrir ? Allait-on les prendre pour des mal-élevés ? Les racistes dénoncés par Cantona exploiteraient-ils l'affaire ? Dieu merci l'intéressé lui-même l'a ramenée à de justes proportions : il esquissait avec ses camarades une danse pour fêter leur victoire. On est donc bien loin du geste obscène dont les mauvais esprits l'accusaient. Cette nouvelle danse, comment va-t-on l'appeler ? Comme "quenelle" est déjà préempté, je suggère "braquemart", ça fleure bon la chaude amitié virile des stades, les ardentes surprises des vestiaires, les comparaisons sous la douche...(j'arrête parce que je sens que je vais déraper). Le braquemart...On sent que ça va être la danse de l'été, de Saint-Trop' à Orlando en passant par Ibiza. Mais mon petit Paul, tu es trop bon et trop modeste, tu n'avais pas à te justifier. Rappelle-toi ce que dit Aragon : "le poète a toujours raison", or tu es un poète que j'avais déjà célébré dans une précédente chronique, auteur d'un seul quatrain comme Arvers d'un sonnet. Le voici pour faire taire définitivement jaloux et aigris. Il est adressé à un de tes coéquipiers :

  En octobre personne ne te connaissait

  En décembre déjà tu brillais

  En décembre t'arrêtais pas de marquer

  En janvier on a commencé à te kiffer.

Paul, ton honneur est dans ta plume et non dans ton bras, qu'on se le dise !

 

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