Nous n'irons plus aux putes...
Ça y est, la loi sur la prostitution qui institue une amende pour les clients est votée malgré l'opposition ouverte d'un certain nombre de prostituées et celle, honteuse, de leur pratique. Il est vrai que manifester sa désapprobation aurait jeté l'opprobre sur des pères de famille frustrés, des notables insoupçonnables (oui, enfin, ceux-là c'était dans la province d'autrefois) et de jeunes célibataires pleins d'appétits mais timides comme des rosières ou laids comme le péché. Et ne parlons pas de nos parlementaires qui ont fait assaut d'hypocrisie sous la pression de leurs consoeurs, de leur curé et du discours moralisateur ambiant. Que la Gauche ait voté pour paraît normal de prime abord, puis on se rappelle les joyeuses équipées à New York de la bande du Carlton et que DSK a siégé à l'Assemblée...Chacun connaît les arguments des uns et des autres, beaucoup portent et le débat méritait d'être mené. Qui oserait justifier la rapacité et la violence qui peut aller jusqu'au meurtre des macs ? Qui ne souhaiterait qu'une prostituée qui désire s'en sortir reçoive toute l'aide possible de la Société ? Qui ne condamnerait ces réseaux de traite des blanches (et encore plus des noires et des jaunes) qui arrachent à leur pays et à leur misère des filles, jeunes, qui connaitront une misère plus grande encore ? Qui, enfin, nierait le danger que court chaque jour une femme qui exerce ce métier ? Mais les opposants à la loi ne manquent pas non plus d'arguments. La suppression brutale de leurs ressources va rendre la situation de certaines femmes intenable, la prostitution deviendra clandestine comme l'alcool l'a été aux USA dans les années 20 et on en connaît les résultats...De plus les fonctionnaires de police ne semblent pas enthousiastes à l'idée de poirer les michés qui ne pourront plus tenir poussés par leurs hormones. Devront-ils se déguiser en mac pour ne pas se faire remarquer ? On entend d'ici le commissaire engueulant l'inspecteur qui a raté une arrestation : "Encore une c.....e comme ça et je te mets aux putes".
Manquent quelques arguments plus politiques. On s'étonne de ne pas avoir entendu Mélenchon protester contre la profonde injustice qui se cache derrière cette mesure. La prostitution populaire à la papa disparaît (le montant de l'amende, qui fait plus que doubler en cas de récidive, est faramineux et peut ruiner un honnête ménage ouvrier après trois ou quatre faiblesses coupables du mari) mais pendant ce temps les gros continuent à se goinfrer de call-girls parfumées aux dessous de soie. Et ne parlons pas, pour ne pas vexer de grands amis de la France, des princes saoudiens ou qataris amateurs de blondes sculpturales à la moue boudeuse et aux tarifs extravagants. Elevons encore le débat : avec cette mesure la France va se trouver en bonne compagnie avec une poignée de pays scandinaves. L'austérité protestante et sa détestation du sexe qui détourne du travail et gaspille un argent et une énergie qui devraient être employés uniquement à gagner un argent signe de notre élection, touchent maintenant notre vieux pays latin qu'avait juste frôlé de son aile noire l'esprit protestant. Mais voici l'argument auquel je suis le plus sensible, il émane des prostituées elles-mêmes. Certaines réclament la libre exploitation de leur corps, un peu comme les femmes partisanes de la GPA (qui, soit dit en passant sont plutôt progressistes). On accepte qu'un artisan monnaie son habileté manuelle, qu'un footballeur tire profit de ses jambes et de son souffle (certains parlent aussi de la tête, mais il ne faut pas exagérer. Chez les Benzema et consorts l'organe important est un peu plus bas), mais qu'une femme utilise aux mêmes fins son sexe choque. La malédiction religieuse de la sexualité semble encore peser et la libre entreprise s'arrçete en-dessous de la ceinture. Cette loi ne privera-t-elle pas non plus d'un plaisir légitime ce personnage éminemment littéraire de l'aristocrate ou de la grande bourgeoise se prostituant pour le plaisir de s'encanailler et le titillement du danger ? On le voit, il faut réfléchir avant de décréter des lois si brutales...Mais il va bien falloir en prendre son parti : cette loi va passer et un pan de la culture française va disparaître. Les racoleuses sous le réverbères vont rejoindre les curés papouilleurs et les prolos postillonnant le pernod ou le blanc gommé, un mégot baveux collé aux lèvres au décrochez-moi ça. France, il n'y a pas que ton café qui fout le camp...