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Causons derechef
2 mars 2016

De Dingo à Donald : les métamorphoses de Trump

Après le succès éclatant de Trump aux premières élections primaires, on sent chez les journalistes qui suivent l'évènement comme un changement de ton. Pendant la campagne les plus indulgents le présentaient comme un clown, un mélange d'histrion et d'hercule de foire auquel sa fortune offrait la fantaisie de foutre le bordel dans un jeu politique sclérosé, en quelque sorte un Coluche - nous avons connu cela - ou plus exactement un Bigard qui "met le paquet" en se moquant du physique de ses adversaires et des femmes qui pissent, en ne ménageant ni l'insulte ni la provocation. Moins prêts à en rire, d'autres en on fait un bateleur fascistoïde confisquant à son profit la voix d'un petit peuple prétendument bâillonné et trahi, un Le Pen arborant une mèche blonde au lieu d'un bandeau noir. D'autant qu'ils retrouvaient dans son discours des thèmes chers au Front national : le rejet des immigrés contre lesquels il faudrait construire un mur avant d'expulser ceux de l'intérieur, la phobie des musulmans alimentée comme en France par des attentats sanglants, la défense du "petit blanc" que les minorités de couleur menacent d'avaler, le Grand remplacement en somme...

Quatre primaires plus loin on n'en est plus là, on le trouverait même presque sympathique...Certains lui reconnaissent le mérite de ramener à la politique et à l'exercice de la citoyenneté toute une frange de population laissée sur le bord de la route, pas seulement des "petits blancs", il touche à peu près toutes les catégories sociales d'une population désorientée qui s'accrochent à un homme qui, parce qu'il ne parle pas comme les autres, paraît sincère. Quand on lui reproche de profiter de sa fortune pour s'offrir une campagne, il a beau jeu de rétorquer qu'ainsi il n'est pas l'obligé des grandes entreprises qui financent les autres (sauf Bernie Sanders). Du reste, en économie ce Républicain n'est guère orthodoxe. Il condamne les privilèges fiscaux des plus riches, notamment les gestionnaires de fonds spéculatifs. On croirait presque du Mélenchon...Surtout, en contradiction avec son parti (et aussi les Démocrates) il refuse les accord de libre-échange comme le TPP qui mettent en concurrence le travailleur américain et les pays à bas coût de main d'oeuvre. Il rejette aussi l'héritage républicain en matière de politique étrangère. Sa condamnation de la guerre en Irak (votée par Hillary) et des mensonges de Bush sur les armes de destruction massive est sans appel. C'est sûrement douloureux à entendre pour beaucoup d'Américains, mais qui pourrait lui donner tort en voyant le chaos dans lequel est tombé le monde arabo-musulman et les dangers qu'il représente. Un retour à l'isolationnisme ne fera de mal aux Etats-Unis ni au monde. Enfin sur les "sujets de société" qui fâchent, avortement, mariage gay...il a le bon goût d'être plus discrets que ses concurrents, protestants bigots. Il est vrai que sa vie n'a pas toujours été exemplaire...

On le voit, le personnage n'est pas d'un bloc et il est probable que les journalistes fins connaisseurs des Etats-unis le savaient. Pourquoi, alors, avoir caricaturé le personnage avant de nuancer son portrait ? Peut-être parce qu'au début ils ne croyaient pas aux chances de cet original perdu au mileu de nombreux prétendants dont certains semblaient mieux mériter la victoire. Comme en plus la plupart de ceux-là étaient ennuyeux et qu'il tranchait par sa verve et son franc-parler, ils l'ont un peu poussé et s'en sont amusés. Les réseaux sociaux, toujours en quête de clashes, injures et clowneries, ont amplifié le phénomène. Quand, en bons journalistes branchés sur l'opinion, ils ont senti le vent tourner, ils se sont dit qu'il fallait le traiter comme les autres et ont anticipé une victoire possible. Il n'était pas imaginable que celui qui sera peut-être le futur président des Etats-unis, puissance mondiale, ait une image aussi désastreuse. Ils ont donc commencé à parler de ses idées même si elles sont simplistes (Reagan, après tout...). Le Super tuesday vient de leur donner raison (ce texte a été écrit hier) : Trump semble voler vers la victoire mais il aura à faire à une tueuse qui pourrait bien conserver la présidence aux Démocrates.

Commentaires
L
Ce populisme étasunien ne concerne guère que la moitié des électeurs. Je n'ose imaginer ce qu'il faudrait pour réveiller ceux qui n'en ont rien à faire. Comme ici, sans doute pensent-ils que tout cet argent dépensé ne changera rien pour eux. Les dernières élections présidentielles françaises semblent le démontrer. Ce n'est pas celui qui a dépensé le plus qui est passé mais celui qui a su rester dans le flou, là où Martine voyait justement un loup. (A moins qu'il ne s'agisse de sa grand-mère !) Mêmes ses comptes de campagne n'étaient pas clairs. Et ceux qui ont voté pour lui ont, par contre, vu clairement ce qu'il n'était pas capable de faire. Mais j'ai vu que sa popularité remonte. Les mécontents sont toujours plus nombreux. Pour suivre la courbe du chômage, sans doute. Ce qui m'amuse tout de même un peu, c'est la fascination de nos médias pour des élections qui n'intéresse que la moitié de la population concernée. Histoire de s'entraîner, peut-être.
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