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Causons derechef
7 février 2016

Cotonet a le blues

Je ne parlerai :

NI des nénuphars qui ont perdu leur noble ph pour un banal f ( faudra-t-il aussi écrire ninféas ? ), ni les accents circonflexes envolés tels des hirondelles en automne pour des cieux plus cléments, et tant pis si on ne distingue plus les 3èmes personnes du présent du passé simple de celles du subjonctif imparfait, de toute façon plus personne ne les emploie.

NI de la déchéance de nationalité et de ce qui l'accompagne. Plus d'un mois qu'on nous bassine avec ce débat né de la manoeuvre maladroite d'un politicard qui se prend pour Machiavel et qui n'est même pas Edgar Faure, un mois que juristes, politiciens ambitieux, autorités morales auto proclamées et autres seigneurs de moindre importance s'empaillent sur la rupture d'égalité entre citoyens (sans rire !) et l'apatridie ( ce vocable a fait florès). Plus personne n'y comprend goutte, à commencer par le gouvernement lui-même qui dit tout et son contraire en l'espace de 24 heures. Du reste je ne répugnerais pas à être apatride, posséder un passeport Nansen comme Nabokov ou Grothendiek vous a une autre gueule que nos banals passeports nationaux avec leurs symboles dérisoires, fussent-ils dits "européens". Mais, ne rêvons pas je reste les deux pieds dans ma glaise natale, moi qui ne voudrais ni dieu, ni maître, ni patrie, ni...Je m'arrête là, le nombre de nos entraves est infini.

NI des immigrants qui font pourtant la "une" presque chaque jour, mais face à eux aussi la lassitude nous gagne. Tantôt leurs cadavres roulés par les flots éveillent en nous la pitié, tantôt ce sont eux les flots qui submergent notre pré carré, violent nos femmes et menacent nos enfants, engendrant la terreur. Tantôt on se résigne et l'on se dit "Qu'ils viennent, nous les "civiliserons" et comme les hordes chinoises qu'annonçait un Ferdinand furibard, ils s'arrêteront à Cognac ou à Epernay", tantôt nous montrons les dents, tendons des barbelés et attendons de pied ferme ces pouilleux. On ne sait vraiment pas où se situer. En attendant gagnons donc notre tour d'ivoire.

NI de l'affaire Sauvage qui a pourtant passionné la France et pas seulement celle qui pétitionne sur "Libé" ou "L'Obs" mais aussi celle d'en-bas qui s'exprime sur les réseaux sociaux où elle a déjà fait sa réforme de l'orthographe. Le fait-divers ne devient intéressant que si d'une façon ou d'une autre il se rattache à la littérature : l'affaire Marie Besnard, mélange de Balzac et de Mauriac, l'affaire Goldman, savant mélange de politique, de Révolution et de crime crapuleux...Là, ça pourrait juste faire une demi-page (avec photo brouillée) dans "Le petit Ardennais libéré" ou "L'écho de la Limagne" : "Tragédie dans un ménage de chasseur : madame abat de trois balles dans le dos son époux qu'elle avait pris pour un sanglier".

NI de l'affrontement épique des taxis et des VTC arbitré par un gouvernement qui donne et reprend suivant la tendance du match. Dieu merci je me déplace à vélo, ai peut-être utilisé un VTC une fois dans ma vie (et encore n'était-ce pas en France) et prends si rarement le taxi que je ne saurais dire si ceux-ci sont propres et si leurs chauffeurs sont polis. Aucune idée sur la question. Passons.

NI du dernier opus (qu'il est agaçant de voir mis à toutes les sauces ce mot réservé naguère à la musique, je veux dire la bonne, pas celle de Rihana) de Taubira. Les bonnes consciences s'exalteront à la lecture de ces 94 pages qui leur seront douces comme le miel et les conforteront dans la haute idée qu'elles ont de leur grandeur morale. L'amateur se délectera de la plate philosophie et de la langue de plus en plus boursouflée d'une grenouille qui veut se faire aussi grosse que les poètes qu'elle feint d'admirer. Il rangera dévotement ce mince volume dans le paradis de sa bibliothèque, entre l'indépassable Indignez-vous de Stéphane Hessel et Matin brun (la gauche morale fait court, ce qui ne veut pas forcément dire bien, n'est pas Cioran qui veut). Par souci d'équité je ne parlerai pas non plus de La France pour la vie qui se vendrait aussi bien que du Marc Lévy si on en croit Hortefeux. Le titre me fait irrésistiblement penser à ces tatouages sur les avant-bras musclés (ou ailleurs) des matafs ou de prisonniers : "A maman ou à Ginette pour la vie". Peut-être après tout notre ex- est-il tatoué du col aux orteils et Carla qui vient de découvrir qu'elle vivait avec un écrivain, a eu jusqu'alors de la lecture pour les longues soirées d'hiver.

De tout cela je ne parlerai pas, l'actualité et le monde m'ennuient. Je rêve, comme Alceste, de me retirer au désert (ou peut-être seulement que le printemps revienne).

Commentaires
L
Le chat se garde tout seul. Il préfère même, sauf pour la pâtée bien sûr, se garder de l'homme. Mais ça, c'est pour les désillusions portées par la nostalgie. Le Ravel de Bertrand Chamayou aidera à supporter tout cela.
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C
(de F. : "Ni Dieu, ni maître, ni patrie... ni femme". Mais alors qui garde le chat?
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