Subventions à la culture : Marion Maréchal-Le Pen n'a pas entièrement tort
La jeune Marion savait certainement ce qu'elle faisait quand elle a prononcé à l'université d'été du FN sa phrase : "10 bobos qui font semblant de s'émerveiller devant deux point rouges sur une toile, car le marché de la spéculation aurait décrété que cet artiste avait de la valeur, n'est pas franchement ma conception d'une politique culturelle...". Que n'avait-elle pas dit là ! Les cultureux de tout poil ont réagi au quart de tour : et que je pétitionne et que je publie des tribunes vengeresses dans la presse, et que je proclame à son de trompe que j'entre en résistance. Pourtant, si l'on excepte le terme un peu méprisant et polémique de "bobo", elle ne dit rien d'autre que ce qu'ont dit beaucoup de gens considérés comme compétents dans le domaine de l'art moderne et contemporain. Faire du Malevitch, du Duchamp ou du Warhol maintenant n'est que du pastiche et rechercher à tout prix l'originalité conduit vite à des surenchères proprement insensées, à des tableaux tellement conceptuels que même les très longs cartouches qui les expliquent nous laissent sur notre faim, à une peinture où la matière et la forme ont disparu et où il ne reste plus que quelque traces sur la toile. Et pourtant cela se vend, direz-vous. Oui par un effet de snobisme (rien n'a changé depuis le peintre Boronali...) et surtout grâce à la spéculation effrénée des marchands d'art qui manipulent la cote des peintres au point de créer une véritable bulle artistique avec des prix faramineux qui ne correspondent à rien et ravalent le salaire d'un Benzema ou une retraite-chapeau au rang de gnognote. Et les provinciaux, complexés par rapport aux Parisiens, donnent à plein dans le panneau. Visitez un jour un FRAC : vos pas résonneront dans une salle déserte où les oeuvres exposées représentent les tendances les plus extrêmes de l'art contemporain, ce qui flatte les notables. Je ne connais pas les goûts de cette jeune femme en matière de peinture, ce ne sont probablement pas les miens. Peut-être n'apprécie-t-elle pas la peinture au-delà de l'impressionnisme, mais peu importe, ce n'est pas être philistin que de dénoncer ce cocktail de naïveté prétentieuse et de malhonnêteté qui plombe la peinture contemporaine.
Qu'elle ait raison sur ce point n'implique pas qu'elle fera de bons choix. On peut raisonnablement croire qu'elle élira systématiquement un artiste du terroir, fût-il un barbouilleur ou un néo-pompier, qu'elle subventionnera le théâtre de boulevard et non le théâtre de "recherche" (mais là on se demande si on doit lui donner tort quand on voit les pathétiques provocations de certains, pâles épigones de Julian Beck). Son point faible sera sûrement la promotion du folklore local si cher à son parti parce qu'il proclame l'attachement et l'appartenance à une terre. Si le folklore breton, par exemple, jouit d'une certaine aura à base de mer immense, de mélancolie chateaubriandesque et de celtitude, il n'en est pas de même du provençal : c'est, pour citer Paul Reboux, "tutu panpan Felibri galéjade! E zou!zou!zou!" à grand renfort de tambourins. Le grand revival mistralien à la fin du XIXème siècle a une bien pâle postérité. Tenons la quitte en revanche de la future grande épuration des bibliothèques que certains attendent avec des frissons en bramant : "Ils vont brûler des livres comme les nazis". Nombre d'écoles ou d'institutions pratiquent aussi la chose de façon insidieuse.
Les régions comme l'Etat ont une obligation de mécénat, le privé n'y peut suffire et n'y est guère encouragé. Dommage, car avec un réflexe bien français nos cultureux considèrent que tant que la vache à lait n'est pas sur le flanc il faut en tirer le plus possible pour sa petite personne, ils réclament à hauts cris et se font même menaçant "Aboulez la monnaie, et vite, pour que j'éblouisse de mon génie vos péquenots d'électeurs, sinon je ronchonne, je pétitionne, j'écris au ministre, j'interpelle le Président, vous allez voir ce que vous allez voir !". Comme on regrette ces lettres de dédicace à un Grand de Racine ou Corneille qu'on pouvait lire dans les anciennes éditions des petits classiques Larousse ou Vaubourdolle et qui se terminaient toujours par "Je suis, monsieur, votre très humble et reconnaissant serviteur". On avait des manières en ce temps-là...