Dernière chronique dans l'île : les dépoilées à la plage
J'ai toujours pris grand soin qu'une jeune fille puisse lire mon blog sans rougir mais là c'en est trop, la mesure est comble et je dois aborder un sujet que certains pourraient considérer, bien à tort, comme scabreux. Mes fidèles lecteurs savent (v."La fin du naturisme libre") que je fréquente une plage nudiste où j'ai pu constater, partagé entre l'indignation et le dégoût, que la mode de l'épilation faisait des ravages. Passons rapidement sur les hommes, ils ne m'intéressent guère. Un bout de chair flasque et blanchâtre avec deux grelots, des jambes et une poitrine glabres qui évoquent les travelos du bois de Boulogne ou un prince Eric (les anciens scouts catho-tradi me comprendront) qui aurait mal vieilli. C'est à peu près aussi érotique que de la viande sous cellophane et on en regretterait presque le mâle méditerranéen, petit jésus en croix sur maillot de corps en poil.
Mais les femmes, comment ont-elles osé ? Que sont leurs foufounes devenues ? Foufoune, un des mots les plus évocateurs et imprégnés d'érotisme de la langue, digne écho de la toison chère au poète, doux comme la fourrure qu'il évoque. La forêt, parfois luxuriante et imprégnée de parfums exotiques, a disparu laissant place à une dune stérile et désolée. Plus haut le creux ombreux des aisselles a été raclé impitoyablement (hommage soit rendu à Laetitia Casta qui a défendu naguère cette autre toison intime). Le corps, froid comme une statue de marbre, a perdu son mystère et sa vie. Le paradoxe est que cette mode serait venue du cinéma porno où les acteurs sont rasés pour mieux mettre en valeur la mécanique de l'acte. Mécanique, tout est dit. Faut-il donc ces stimulants tordus, pornographie ou corps impubère, pour que naisse le désir ? Certaines n'osent pas aller jusqu'au bout et s'en tiennent au "ticket de métro", filles de leur époque qui préfère le jardin japonais géométrique et minéral à la profusion du jardin anglais. Comment ont-elles pu oublier le lien entre la pilosité et l'érotisme que chante toute une tradition poétique de Villon et sa belle heaulmière qui regrette "son sadinet dans son joli jardinet" à Baudelaire dans "La chevelure" (qui est évidemment une métonymie de toutes les pilosités) : "Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse / Dans ce noir océan où l'autre est enfermé".
Cela nous amène à ce qui me semble la cause essentielle de ce décri : le refus de notre animalité marquée par le poil mais aussi par l'odorat et ce qui s'y rapporte. La "forêt aromatique" du poète dégoûte parce qu'elle "sent". On nous formate pour un monde aseptisé : pas un poil qui dépasse, pas une odeur corporelle. La sueur qui devrait exciter fait horreur et les marchands ont créé le goût artificiel d'odeurs chimiques qui, moi, me font vomir. Et si c'était le seul sens dont on voulait nous châtrer : l'ouïe est écrasée par les musiques d'ascenseur, les sonos hurlantes et le martèlement des slogans, la vue est soumise aux agressions lumineuses et le goût aux prescriptions des médecins qui nous interdisent tout plaisir. Nous sommes en marche vers une dictature de blouses blanches au service des marchands et comme dans un mauvais film se S-F nous deviendrons des clones au corps lisse et parfait avec des écouteurs à la place des oreilles.
Révoltons nous, camarades. Saccageons les rayons de produits de santé et d'hygiène, cassons la gueule de ceux que notre odeur incommode, tondons les femmes épilées ! à bas les hygiénistes et les marchands ! que cent poils repoussent !