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Causons derechef
7 juillet 2015

Court traité d'histoire grecque à l'usage des internautes pour mieux comprendre la crise et y porter remède.

Nous supposons connue l'histoire de la Gréce antique : elle figure dans les programmes d'histoire des collèges, coincée entre l'Egypte des pharaons et l'expansion de l'Islam. Une poignée d'enfants des classes privilégiées ont même étudié le grec ancien avant que Najat n'y mette bon ordre : anglais, informatique et multiculturalisme pour tous. N'importe quel internaute est capable de vous écrire (avec quelques fautes d'orthographe) que la Grèce est la mère de la démocratie et de la philosophie, oubliant qu'en même temps elle inventait la sophistique et la démagogie dont Tsipras fait un abondant usage. Passons vite sur le Moyen âge, c'est trop compliqué. L'empire romain d'Orient devient Byzance avec ses théologiens qui pinaillent pour un iota, ses factions rivales d'auriges et ses mosaïques. Puis ce sont les croisades avec un grand mouvement d'Occident vers l'Orient. Les chevaliers français ou les cités italiennes en profitent pour se tailler des principautés dans le pays et occuper ses îles. Ils se heurtent aux Turcs qui vont finir par l'emporter et occuperont le pays du 15 au 19ème siècle. On oublie donc la Grèce pendant quatre siècles où elle n'est plus qu'une province d'un immense empire. Du reste cette occupation ne fut pas très rude : les Grecs conservèrent leur langue et leur religion et le sultan se contentait de percevoir des impôts. "Ah mais...me direz vous". Effectivement. Il faut croire que ses moyens de coercition étaient plus au point que dans la démocratie grecque moderne. Cela aurait pu durer longtemps (ah ! Rêvons d'un monde où auraient perduré l'empire des Habsbourg et la Sublime Porte...) si la Russie n'avait fomenté quelque agitation dans les populations au nom de la Sainte religion orthodoxe dès la fin du 18ème siècle. Ceux qui parleraient là d'impérialisme et d'expansionnisme russe sont de mauvais esprits, les mêmes qui mettent en doute la sincérité des risettes de Poutine au camarade Tsipras. Bref, poussés par les uns et les autres (Anglais et Français étaient entrés dans le jeu), voyant la déliquescence du pouvoir turc, les Grecs se soulèvent. Massacres, répression, retentissement de l'évènement chez les intellectuels et les libéraux en Occident qui voit naître le mouvement philhellènique avec les ancêtres des brigades internationales, l'engagement de Byron et le fameux "enfant grec" de Victor Hugo presque aussi énervant que son Gavroche. La Grèce renaît réellement en 1830, ce qui est quand-même un sacré handicap par rapport aux autres nations européennes (sauf la Belgique, née la même année, mais justement la Belgique, pays de l'Europe du nord, s'en est mieux sorti...). Jusqu'au XXème siècle c'était une espèce de pays exotique où on pouvait même, il y a plus d'un siècle, connaître le frisson de l'aventure avec ses bandits dans les montagnes (ô, mânes d'Edmond About). Des touristes distingués et cultivés allaient croquer le Parthénon dépouillé de ses frises. Ils croisaient une population pittoresque qui se nourrissait de feta et d'une poignée d'olives. Les hommes arboraient des moustaches de janissaires et tenaient recluses leurs femmes vêtues de noir, avec des visages de tragédiennes à la Irène Papas et du poil aux pattes. Ils étaient soumis à de grands propriétaires, souvent des moines comme dans la France d'ancien régime. Ceux qui en avaient assez de gratter une terre ingrate partaient pour l'Amérique ou l'Australie et devenaient des épiciers suiffeux au teint d'hépatique. Ainsi allait ce pays un peu en marge de l'Europe et de son développement. De quoi s'endormir s'il n'y avait pas eu les soubresauts de la politique. Ils n'ont pas manqué avec ces rois qui abdiquaient puis remontaient sur le trône après un plébiscite, alternant avec des républiques éphémères, un régime fasciste qui fut populaire (Metaxas), des échanges de population à grande échelle qui soldaient le contentieux avec la Turquie, une occupation allemande en 1941 qui suscita deux mouvements de résistance, un monarchiste et l'autre communiste, qui ne tardèrent pas à s'affronter plutôt que de combattre la Wehrmacht, une guerre civile féroce jusqu'en 1949 et pour brocher sur le tout la dictature des colonels de 1967 à 1974 qui tomba à peu près en même temps que celles de Franco et de Salazar et la Grèce finit par entrer dans l' Union européenne et dans la modernité.C'est alors que la manne plut sur un pays qui à bien des égards ressemblait à un pays du Tiers monde : clientélisme (avec son corollaire: un emploi public pléthorique), corruption, fraude. Les gouvernements successifs jetèrent l'argent par les fenêtres en écoutant complaisamment les sirène de Goldmann Sachs et autres financiers sans scrupules et quand il fallut rendre des comptes...Nous y voilà, et comme son héros Héraklès la Grèce est au carrefour : quelle réponse va-t-elle apporter à la crise financière qui risque de l'engloutir ? Faire rendre gorge à une église dont la richesse égale le montant de la dette du pays et à des armateurs qui semblent intouchables ? Tsipras risquerait de ne pas être réélu, véritable catastrophe pour le pays...Préférer la pauvreté digne, quitter l'Union européenne, se nourrir à nouveau d'olives et de yaourts, être une sorte de Tunisie avec bronze-culs et antiquités-alibis ? Un tel saut en arrière est difficile. Courtiser la sainte Russie au nom de la solidarité orthodoxe (déjà brandie quand Athènes soutenait Milosevic) ? Mais Poutine ne peut guère être généreux avec une économie vacillante. La solution, je l'ai et je la donne. Il faut que la Grèce fasse appel à une sorte de brigade internationale des experts : Mélenchon, Jacques Sapir, Pablo Iglesias, l'inévitable Piketty... Il serait dommage que de tels talents ne trouvent pas à s'employer. Ils sauront enseigner à des Grecs un peu largués et primitifs comment on peut très bien emprunter sans rembourser, augmenter les retraites et recruter des fonctionnaires sans écraser le peuple sous le fardeau des impôts et promettre la reprise qui réglera tout. Allez, chiche les gars, on vous attend.

Commentaires
L
Le "Grand soir" ne tardera guère. Vous verrez des hordes de touristes envahir les plages de la Grèce grâce à la valeur imbattable de la drachme par rapport à l'euro. Les retraites ne baisseront pas mais ils ne pourront plus rien acheter venant de l'étranger. Des entreprises françaises cessent déjà de leur envoyer de la marchandise qu'ils ne paient pas. Restent bien sûr les olives et le feta et Arte fera de beaux documentaires sur les nouveaux modes de vie du terroir grec. Comme écrivait Alexandre Vialatte, car c'est ainsi qu'Allah est grand.
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