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Causons derechef
5 juin 2015

Savez-vous "tchiper" les profs à la mode, à la mode. A la mode de chez eux...

Jusqu'à ce matin j'ignorais tout du tchip découvert dans un article de "Slate" qui prétend que son interdiction dans un lycée de banlieue a été largement relayée par les médias (j'ai dû rater une émission sur Canal moins, la chaîne des djeunes).En réalité je ne connaissais pas le mot mais bien la chose que pratiquaient à l'occasion les lycéens sénégalais. Il s'agit donc, pour ceux qui n'ont pas de passé néo-colonial ou ne lisent pas les journaux d'une sorte de "clic bilabial" marquant la désapprobation et le mépris et constituant donc une insulte en Afrique noire et aux Antilles. Les accros de télé ont pu voir le garde des sceaux ministre de la justice en produire un à destination du FN et de "ses imbéciles arriérés" précisait-elle avec l'ouverture d'esprit qui la caractérise. La décision a été prise par un proviseur-adjoint  d'origine béninoise au prétexte que dans son enfance africaine on le lui interdisait car c'était considéré comme grossier et que, d'autre part, les élèves noirs parfois majoritaires dans les classes devaient se débarrasser de "codes inappropriés à l'école et à l'entreprise". Que n'a-t-il pas dit là avec ses codes ! Visiblement ceux de la bourgeoisie béninoise ne sont pas les mêmes que ceux des Maliens de brousse transplantés dans une HLM de Bondy avec une maman qui fait des ménages et laisse la bride sur le cou à sa marmaille. Et il faudrait en plus adopter les codes du pays où on vit, ceux du colon et du patron ? On devrait coller au poteau de tels traîtres à leur race !

 Le tchip est une forme d'insulte, mais n'est il pas légitime de manifester sa colère contre le système scolaire ? Comme le dit un bon esprit cité dans l'article : devant une culture qui ne mène pas à la réussite le respect se perd et la contestation grandit. Qu'est-ce que cette école qui ne vous fournit pas à la sortie vêtements de marques, grosses voitures et vacances à Phuket ? Le savoir pour le savoir, le plaisir d'apprendre ? Qu'on remise vite ces vieilles lunes avec le latin et le grec dans les greniers de la Sorbonne. D'ailleurs Najat Vallaud Belkacem s'en charge et nous a promis du fun et l'apprentissage de méthodes de travail si efficaces que les entreprises nous couvriront de thune. Insulter le prof est donc légitime et les occasions ne manquent pas : atteinte à l'Islam, mauvaises notes,prétention à s'immiscer dans une conversation privée ou à faire éteindre un portable...L'outrecuidance de ces bouffons est sans limites...Cela posé, comment insulter ? Les mots, certes, ne manquent pas : putain, salope (eh oui, les femmes sont les plus souvent visées. On se demande bien pourquoi), bâtard, sale chien, le tutoiement qui ravale l'adulte au niveau des pairs, les insultes en langue vernaculaire...Et puis il y a les gestes, du haussement d'épaules à la bonne vieille quenelle sans oublier le livre qu'on abat avec violence sur son pupitre. Tant qu'il n'y a ni coups ni blessures, pas de quoi en faire un fromage...Le tchip qui est à peine une onomatopée, tout juste un bruit, l'équivalent d'un pet, d'un rot ou d'un cri d' animal, est à l'évidence un signe de mépris, une basse injure et quand il est produit par vingt bouches une inadmissible cacophonie. Il est donc légitime de l'interdire en classe comme toute insulte. Oui mais voilà, les défenseurs des races opprimées montent au créneau en lançant face à l'ennemi leur cri de guerre "padestigmatisation !". Imposer à d'ex-colonisés ses propres codes, c'est surenchérir dans l'horreur de ce qu'ont subi leurs ancêtres. Le "tchip" c'est un moyen de lutter contre l'acculturation, contre la langue du colonisateur qui est fasciste au carré...En tchipant le jeune Africain refuse l'assimilation qui le rendrait non seulement invisible mais aussi inaudible. Devant un combat si noble, il n'y a plus qu'à s'incliner et les profs, qui en ont vu bien d'autres, sauront bien se débrouiller avec la multiplicité des codes qu'engendre le patchwork des communautés.

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