Dieu sait si je n'ai aucune sympathie pour Stéphane Guillon : un homme qui a fait le comique sur Canal moins ne peut pas être tout à fait bon, mais, de même que son antisarkozysme forcené faisait presque aimer Niclolas-le-petit, les réactions outrées et moralisatrices à son tweet donnent envie de courir à son secours. Pour ceux qui ne hanteraient pas les réseaux sociaux, rappelons ce tweet :

"On me dit que l'airbus de la compagnie Germanwings avait été affrété par TF1 pour la saison2 de Dropped. C'est une connerie ?".

Et chacun d'y aller de son "dérapage", "on n'a pas le droit de", "ce n'est même pas amusant", "indécent", "fumeux"...Or, dois-je m'en excuser ? mais je trouve ce rapprochement assez amusant, presque autant que le fameux "Bal tragique à Colombey" de Hara kiri dont Guillon se réclame. Je me rappelle encore ce photo-montage du mensuel dans les années 60 : un paysage de montagne couvert de débris d'avion et de corps avec ce slogan, célèbre à l'époque, "Avec la Sabena, vous y seriez déjà !" (la compagnie belge avait eu l'intelligence de ne pas poursuivre le périodique). De toute façon déconsidérer un trait d'humour qui vous a touché est une vieille ruse qui ne trompe personne. Indécent ce tweet ? Heureusement, l'humour - surtout quand il est noir - ne respecte pas la morale et les bienséances, il ne suit pas le droit chemin de la vertu et du respect. Et le problème semble bien là : l'humoriste a manqué de respect à quelques idoles fatiguées et vieillies du sport français dont l'une avait même atteint le statut envié de vache sacrée, et aux morts anonymes du crash de l'Airbus de la Germanwings. Je vois dans son texte plutôt une critique de la légèreté des grandes entreprises à l'égard de la sécurité de leurs clients et employés mais pas d'injures aux morts. Et quand bien même ! Comme si l'humour devait être respectueux ! si c'est ce que pensent les millions de "Charlies" qui ont défilé, c'est qu'ils n'ont rien compris et Guillon s'en étonne à juste titre. Des années qu'on nous la fait au respect. Vous ne pouvez pas risquer la moindre plaisanterie sur telle ou telle communauté sans que LGBT, CRAN, Licra, Crif, SOS racisme ou autres Chiennes de garde ne vous tombent sur le paletot et ne cherchent à vous faire rendre gorge. Encore ceux-là se contentent-ils du tribunal, les islamistes, eux, défouraillent. "Touche pas à mon pote, à ma potesse", "respect, respect!", chacun défendant son groupe et se foutant bien du sort des autres. Nous avons vraiment une sensibilité d'écorché vif et ne supportons plus la moindre piqûre d'épingle tant est haute l'idée que nous avons de notre précieuse personne. Eh bien non, désolé, pas de respect pour Mahomet, le pape, l'abbé Pierre, les Juifs, les Arabes ou les Bourguignons, les morts, les anciens combattants ou les cancéreux. La formule de Desproges vaut encore :"On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui". Guillon est victime de ce backlash  qui marque notre société dans beaucoup de domaines : le grand retour de la morale, de la vertu, de l'hygiène de l'âme et du corps. Il mérite qu'on le défende maintenant même s'il a donné souvent la main à cette régression.