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Causons derechef
6 janvier 2015

Je n'ai pas lu "Soumission" de Houellebecq mais j'en ai entendu causer.

Le dernier Houellebecq sort demain. Hâtons-nous d'en parler avant de l'avoir lu.

Est-ce que tout s'expliquerait par la laideur de l'auteur ? Avec son front bombé, son cheveu trop fin et trop long qui pendouille, les plis d'amertume qui encadrent une moue dégoûtée, son regard de bête traquée, il a bonne mine ! Pour brocher sur le tout, il se clochardise que c'en est pathétique mais il ne faut pas compter sur lui pour donner dans le dandysme de la misère qui atteint parfois des dimensions épiques : Céline avec ses lainages mités qui se superposent, son petit foulard, le pantalon tenu par une ficelle et pour tenir le tout une vieille canadienne qui perd sa laine. Non, lui c'est le style Deschiens : polaire ou parka achetées dans une grande surface de zone commerciale, pantalon poché au genou, polo en acrylique. Du bien triste, bien minable, une vêture qui dissimule le slip jauni et le maillot de corps informe, une pauvreté digne et franchouillarde qui sait rester à sa place. Celle des petits employés de bureau héros - si l'on peut dire - de Huysmans, romancier favori du héros de Soumission. Expliquerait quoi ? L'aigreur, la misanthropie, la misogynie, le nihilisme. Non, évidemment, d'autant que Houellebecq en rajoute sans lésiner pour composer son personnage et que son sourire - il sourit parfois - est souvent ironique. Un romancier qui se paie notre tête mais qui nous embarque.

Parlons donc un peu du livre que je n'ai pas lu, ce qu'ont fait d'excellents critiques (par exemple Assouline sur son blog, la république des livres ou Philippe Lançon dans "Libé"). Mieux que moi ils ont su en dégager toutes les qualités : sens du comique et des dialogues, acuité de la vision de la vie quotidienne dans notre société, phrases qui font mouche, l'un d'eux célèbre même un usage quasi flaubertien du point virgule...De quoi ça parle, tout le monde le sait maintenant : l'arrivée au pouvoir d'un parti islamique qui entreprend avec succès de conquérir la France puis toute l'Europe. Vous imaginez le bruit dans Landerneau : islamophobie, racisme (pour faire bonne mesure), zemmourisme haineux et moisi, haine de l'Autre qui naît, c'est bien connu, de la haine de soi, régression (ça, c'est le Président qui l'a dit)...J'entends déjà les sanglots dans la voix de Plenel chroniquant sur France-cu et les anathèmes s'abattre comme une volée de flèches sur le malheureux romancier qui devra se justifier toute sa vie de sa formule "La religion la plus con, c'est quand-même l'Islam", mélange de provoc et d'alcool. Alors cette uchronie (honte à celui qui ne connaîtrait pas maintenant le mot!) est-elle un pamphlet indigne, une sorte de Bagatelles pour un massacre qui préfigurerait l'élimination de nos populations allogènes ? Si j'ai pensé au livre de Céline, c'est à cause de la réaction de Gide qui le trouvait si violent et délirant qu'on ne pouvait imaginer que l'écrivain ait cru à ce qu'il écrivait. Houellebecq parle, certes, de notre société : "cordon sanitaire pour faire obstacle au FN", Juifs qui fuient en Israël pour échapper à l'antisémitisme de gauche et des banlieues, dégradation accélérée de l'Université mais il transforme cette réalité en une farce hénaurme où il donne libre cours à une imagination que ne partagent pas beaucoup de ses pairs. Jugez-en : un parti confessionnel "fraternité musulmane" arrivant au pouvoir dans notre république laïque et qui s'en gargarise, le révérend-père Bayrou (tiens, serait-il ambitieux ?) premier ministre d'un président qui a le profil de Tariq Ramadan, une prise de contrôle totale de l'Education nationale avec conversion des profs ou mise à la retraite (payée par les Emirats...) des récalcitrants. Géniale, cette idée. A côté de ça le Grand Remplacement imaginé par Renaud Camus est de la gnognotte, la Reconquête risque de durer des décennies voire des siècles, là une génération d'écoliers (les écolières seront priées de rester à la maison) et l'affaire est dans le sac. Il imagine aussi un mouvement de résistance les "Indigènes européens", ultime soubresaut de souchiens appelés à disparaître engloutis par la vague verte. D'ailleurs le héros lui-même finit par se convertir et par découvrir le bonheur dans la soumission. Comme son écrivain favori, Huysmans, ayant perdu tout espoir, il ne lui reste plus que le suicide ou la religion.

Même si ce long conte philosophique dénonce certaines tares de notre société, j'imagine mal qu'il puisse déclencher des émeutes, des pogroms, des expulsions, que sais-je encore ? En exprimant nos peurs, nos fantasmes, nos désarroi le romancier a pour ainsi dire rempli un devoir social et il n'est pas responsable de ce qu'il montre. D'ailleurs il y a chez lui un tel détachement, un tel désabusement ironique qu'il serait difficile d'en faire un homme de parti. N'empêche que j'entends déjà siffler tous les serpents et gronder les chiens de garde. Qui sait ? on ira peut-être jusqu'à la fatwa ce titre de gloire pour un écrivain qui vaut bien un prix Nobel. Houellebecq et moi habitons le même quartier, je vais regarder avec suspicion les barbus qui porteront un sac de sport...

Commentaires
L
Je n'ai pas encore lu Soumission bien entendu mais j'attendrai de l'avoir lu pour mettre mon grain de sel. A suivre.
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