Je ne signerai pas la pétition pour Zemmour ( www.Causeur.fr/). Ce n'est pas l'envie qui m'en manque mais il faut être honnête : je ne le connais pas, j'en ai tout au plus une image déformée par ses ennemis ou ses thuriféraires. La meute qui aboie à ses trousses, sectateurs de l'empire du Bien et du politiquement correct, Pleneliens et néo-hesseliens, chantres béats de la diversité et de la France multiculturelle, me le rendrait plutôt sympathique, mais je n'ai pas la télé...Car il semble bien que ce soit là qu'il donne sa pleine mesure, dans des émissions héritières du calamiteux Droit de réponse de Michel Polac où hurlements, interruptions et injures tenaient lieu de débat et où le lynchage n'était pas rare. Le fait qu'il aborde des sujets qui touchent de près les "vrais gens", la souplesse de sa dialectique et une culture inhabituelle dans cet univers, je crois, lui valent une certaine popularité sauf auprès de ses confrères. Il écrit d'autre part des essais politiques dont le dernier a fait du bruit dans Landerneau, mais je me refuse à perdre mon temps à lire ce type d'ouvrage écrit sans recul et qui sera oublié au bout de trois mois : il y a tant d'écrivains que je ne connais pas et les années passent...Je pourrais me contenter des comptes-rendus, mais comment s'y fier ? La malveillance y règne. On lui impute à mal un mot qu'il n'a pas prononcé ou on en fait un néo-pétainiste. Peut-être l'est-il (sa judéité ne le lui interdit pas) ou peut-être se contente-t-il seulement de comparer le nombre de Juifs exterminés dans les différents pays d'Europe et qui n'a pas été le plus élevé en France. Va savoir. Il faudrait lire Le déclin français, pas le temps.

Et, d'ailleurs, Zemmour a-t-il tant besoin qu'on le défende ? On ne peut dire qu'il est bâillonné entre "Causeur" et le "Figaro" ou bien telle ou telle chaîne de télé qui le récupérera pour faire la nique à une concurrente. S'il ne sacrifie pas à l'idéologie dominante, le moins qu'on puisse dire est qu'il est dans le Système. Il y a plus urgent : des écrivains, des vrais, pas des journalistes ou des essayistes, sont réduits au silence, voire menacés de mort. C'est, par exemple, le cas de Kamel Daoud, sur qui pèse une fatwa et pour qui pas grand monde ne semble se mobiliser malgré les éloges qu'a reçus son roman. Mais balayons devant notre porte et voyons le cas d'écrivains que je tiens pour plus importants que Russo, Angot ou Nothomb : Richard Millet, ce styliste impeccable et un des rares pour qui la comparaison avec Faulkner vaille, Renaud Camus journalier fascinant et polygraphe de talent. J'y adjoindrai même Marc-Edouard Nabe, que je connais moins bien, que je ne place pas aussi haut, mais qui est la victime de la même conspiration qui l'a complètement réduit au silence. Des prises de position politiques souvent mal comprises par des journalistes trop peu scrupuleux pour lire les textes ou trop bêtes pour les comprendre et qui réagissent à certains mots comme un taureau devant la muleta, les ont condamnés irrémédiablement. Mis à l'index par les médias, ils n'ont pas été soutenus par leurs éditeurs qui les ont plus ou moins élégamment virés. J'admets qu'en tant qu'entrepreneurs ceux-ci ne soient pas obligés de garder tel ou tel, mais je pensais que dans ce métier on ne se cantonnait pas au matériel, que quand on avait choisi par goût un écrivain on ne le laissait pas tomber comme une vieille chaussette parce qu'il avait dit un mot de travers qui déplaisait aux maîtres-censeurs, et qu'une Anastasie Ernaux qui se prend à elle seul pour le CNE de sinistre mémoire ne pouvait forcer Gallimard à se débarrasser de Millet à la fois auteur et employé de la maison. Ne restera-t-il bientôt que des petites maisons comme "Pierre-Guillaume de Roux" pour défendre la liberté de penser et les écrivains anticonformistes ? Saluons le courage de ce dernier, mais, révérence gardée, il ne peut faire porter loin la voix de ses auteurs. Parce qu'il s'agit de littérature, parce que ce sont de bons écrivains, parce que leur situation semble sans espoir, je pense que c'est pour eux qu'il faudrait faire d'urgence une pétition. Zemmour, la paix soit sur lui, peut attendre.