Au secours les pédagos reviennent ! ou Rabelais et "Games of thrones"
Le titre est un peu injuste : un peu de pédagogie éloigne l'ignorance, beaucoup y ramène et il me semble que c'est le cas ici. Dans le "Monde" d'hier Michel Guerrin analyse le livre d'une sociologue, Sylvie Octobre (cela sent déjà sa révolution..)sur les évolutions de la culture des 15-29 ans (donc la moitié à peu près étant encore dans le système éducatif) depuis 25 ans. Le livre, intitulé Deux pouces et des neurones, est publié par le ministère de la culture et respecte dans sa conclusion une doxa qu'on croyait en perte de vitesse. Comme il se doit il est bourré de chiffres qu'il n'est pas question de contester : de toute façon les statistiques ne sont pas une science exacte et ils nous amènent le plus souvent aux mêmes constatations si on a une perception intuitive de la société dans laquelle on vit. Cette culture djeune est technophile, consommatrice de biens de l'industrie culturelle, chronophage, s'appuie sur un réseau d'amis et son but est le plaisir sous deux espèces dominantes : la zik et le cinéma et ses formes abâtardies, séries télé et jeux vidéo. L'auteur s'interroge longuement sur la désaffection à l'égard des livres qui appartiennent encore à son univers et là ça se gâte. Après avoir proféré de façon assez vulgaire le truisme "les jeunes ne sont pas plus cons qu'avant" elle s'interroge sur la façon de les amener à renouer avec le savoir des générations précédentes, ce qui est, semble-t-il le rôle de l'école. Comme les jeunes rejettent nos valeurs et veulent nous imposer les leurs, la solution va de soi : il faut des profs qui les comprennent et s'imprègnent de celles-ci, donc renverser le rapport éducatif. En fait il s'agit de renier l'éducation même (e-ducere : mener hors de), de les laisser dans leur marigot un peu comme ces enfants d'immigrés qui n'ont jamais pu s'intégrer parce qu'on ne voulait pas les couper de leur culture, du code et de la langue des "quartiers". Si les jeunes ne comprennent plus Rabelais, dit-elle, passons par Game of thrones et ses monstres (ce qui fait bon marché du discours humaniste de l'oeuvre...). Intéressante perspective pour revisiter nos classiques...
Phèdre, c'est l'histoire d'une famille recomposée où l'épouse drague son beau-fils. Malheureusement celui-ci est puceau et passe son temps dans la nature ou à regarder Aricie sans la toucher avec des yeux de merlan frit. Il n'a pas compris qu'une meuf de 40 ans est une bonne initiatrice et respecte son dab. On a même un monstre en prime à la fin. Le Cid, c'est la terreur de la cour de récré qui met un pain à un petit qui fait appel à son grand frère pour le venger. Celui-ci va-t-il se battre avec l'agresseur dont il aime la soeur ? dilemme (en langage non-djeune, cela s'appelle "stances"). Le devoir et l'esprit de famille l'emportent. Il est question aussi de Mores qui veulent envahir le pays et qu'on repousse : une allusion au "grand remplacement" cher à Renaud Camus ne serait pas déplacée. On peut aussi simplifier Andromaque : Valérie aime François qui ne l'aime plus, amoureux désormais de Julie et tout ça finit tragiquement par la terrible vengeance d'une femme. Espérons que ce détour (le mot paraît un peu faible...) séduira nos têtes blondes (et brunes, évidemment...) car, comme le dit le grand spécialiste de l'éducation François Bégaudeau :"Toute connaissance non désirée est aussitôt oubliée".