Mettez les Roms à l'abri
Le lynchage d'un adolescent rom en Seine-Saint-Denis a attiré l'attention sur un phénomène qui n'a rien d'exceptionnel, les violences qu'entraîne la difficile cohabitation des communautés dans les "quartiers". Simplement les circonstances, là, ont été plus atroces : un moribond au crâne défoncé jeté dans un chariot de supermarché, détritus symbolique des banlieues sinistres, et - ô ironie - le crime a été perpétré dans le quartier des Poètes. Les lyncheurs n'ont assassiné ni Mozart ni Rimbaud, le jeune Darius était déjà connu de la police comme voleur et cambrioleur, mais une telle violence et une telle cruauté à l'égard d'un de leurs pairs semblent incompréhensibles. Pourtant on peut trouver des explications à leur comportement, qui, bien sûr, ne justifient rien. L'enquête n'a pas encore déterminé la cause du crime, ce pourrait être une histoire de drogue ou de fille mais il semble quand-même qu'on privilégie le vol, notamment dans la cité voisine. Or les pauvres sont attachés à leurs misérables biens qu'ils ont de la peine à remplacer quand ils les perdent. Pensez au supplice du pneu dans certains pays africains quand un voleur se fait prendre au marché. Ils haïssent beaucoup plus le petit voleur dont ils sont la victime que les trafiquants ou corrompus de haut vol, cela n'a pas de sens à leurs yeux de comparer en s'indignant la sanction de quelqu'un qui a détourné des millions et celle d'un voleur de mobylette, c'est le dernier qui est le pire pour eux. Ils attendent donc que la justice soit très sévère à son égard. Or le jeune Darius, de nombreuses fois interpellé par la police n'avait jamais été condamné. C'était laisser le champ libre aux justiciers auto-proclamés et donc à tous les excès. C'était en même temps rappeler aux gueux que les services publics ça n'est pas pour leur gueule. La presse a rappelé que de nombreux campements roms ont été attaqués ou incendiés par des riverains excédés et se demande s'il s'agit de racisme. Oui, puisque jeter l'opprobre sur toute une communauté en est, mais les choses ne sont pas simples. Les Roms fuient la misère de leur pays d'origine et arrivent en France où très peu trouvent du travail (à part la biffe il n'y a pas grand chose), donc ils mendient, volent et utilisent notamment leurs enfants à cette fin. Ils squattent des terrains sans eau ni égout et la saleté et l'odeur deviennent vite insupportables. Ainsi l'intolérance à leur égard monte-t-elle et aboutit à des violences. Les donneurs de leçons s'indignent de cette mise au ban d'une population, de cette stigmatisation pour employer leur mot favori, et vont jusqu'a évoquer la politique nazi ou la fameuse lepénisation des esprits, mais où sont-ils ? Ils soignent, alphabétisent mais rentrent dans leur quartier le soir. Pour les gueux c'est cohabitation forcée. Si vraiment on ne peut ou ne veut les renvoyer dans leur pays et apporter une aide là-bas, devra-t-on les déplacer dans le XIème arrondissement ou bien à Montreuil, où, n'en doutons pas, la population bobo et lectrice de"Libé" les prendra sous son aile protectrice ?