"C'est pour qui la quenelle, c'est pour Israël !"
On a les grands débats nationaux qu'on mérite; actuellement il s'agit de savoir si le geste dit "quenelle" est antisémite ou pas. Pour ceux qui ne seraient pas branchés sur l'info formatée "pipoles-djeunes-Canal moins" cela consiste à tendre un bras (le droit ou le gauche, peu importe) vers le bas et à placer la main opposée sur l'épaule du bras tendu. Celui qui a popularisé ce geste et en a fait sa marque (dans tous les sens du terme puisqu'existent des produits dérivés) en a donné en 2009 une interprétation communément acceptée mais qui pose quand-même problème. Dans un langage aussi élégant que sa pensée est profonde il a déclaré en déposant sa liste pour les européennes "glisser une petite quenelle dans le fond du fion du sionisme". La quenelle serait donc une sorte de bras d'honneur avec double phallus. Je veux bien, mais quel symbole ! Au lieu du braquemard fièrement dressé et dur comme l'acier, ce bras qui pendouille et ce mot qui évoque une matière qui se défait. Est-ce donc la fin de notre civilisation affadie, dévirilisée, tombant en quenouille ? O tempora, o mores ! Un geste de défi, ça ? Une banane trop mure qui s'écrabouille, une saucisse trop molle flottant dans la purée. Ah, l'ennemi doit rigoler ! Car d'ennemi il s'agit bien pour Dieudonné, un ennemi qui, du reste, le fait vivre, lui assurant un petit public fait de quelques débris de l'antisémitisme de droite d'avant-guerre et surtout de ceux qui se proclament "antisionistes" mais voient partout des Juifs qui tirent les ficelles, complotent en coulisses, mettent le Monde en coupe réglée, donnant en plein dans l'antisémitisme traditionnel au prétexte de dénoncer l'injustice faite aux Palestiniens. La haine du Juif donc, qui n'a peut-être été au début qu'une opportunité mais qui a fini par l'envahir et devenir une sorte de délire (peut-être pourrait-on analyser ses rapports avec son ancien partenaire Semoun ?) avant d'être attisée par Alain Soral dont il semble la marionnette. Ainsi la quenelle a-t-elle pris un sens particulier, car qu'on le veuille ou non, qui fait ce geste pense à Dieudonné (il n'est même pas besoin d'imaginer une sorte de salut nazi inversé). Or celle-ci s'est répandue par le canal d'Internet et des émissions pour djeunes de la télé. Comme les djeunes sont aussi purs que sacrés, on essaie de l'interpréter comme un simple geste de révolte contre le système mais on retombe justement dans une "pensée" qui dénonce l'ultralibéralisme, le pouvoir de la finance internationale, se nourrit de rap et trouve donc un terreau favorable dans les insanités haineuses de Dieudonné. Ce n'est pas un hasard si on a pu voir un des maîtres de cette jeunesse, l'ineffable Barthès, faire une quenelle. Elle signifiait "Jeunes des quartiers, je suis votre semblable, votre frère, je suis à vos côtés, aux côtés de vos frères palestiniens, contre ceux qui vous exploitent (on s'est compris...) !". Ne lui manquait plus que le keffieh. Dieudonné est sorti tout armé du crâne vide de ces gens-là qui l'ont promu. On avait déjà vu ça pour Le Pen. Les médias imprégnés de moraline antiraciste et antifasciste, manipulés par Mitterrand, ont transformé un groupuscule qui vivotait et serait mort de sa belle mort avec la disparition des derniers collabos et ultras de l'OAS, en parti puissant à l'électorat aussi divers que varié. Est-ce bêtise ou vanité, pour une posture avantageuse de professeur de morale on renforce celui qu'on veut combattre, vieux politicien retors ou clown sinistre et foireux. Avec de telles gens seul le silence serait de mise mais c'est une vertu bien difficile à pratiquer.