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Causons derechef
14 février 2013

Lasagnes au canasson : le choc des mots

Pourquoi  avoir remplacé dans un surgelé une viande par une autre fait-il un tel scandale ? Certes il y a eu tromperie sur la marchandise et on peut imaginer qu'on aurait pu tout aussi bien y mettre du chien ou du rat en l'absence de contrôles sanitaires sérieux, mais après tout le cheval n'est pas une viande malsaine, elle était même autrefois recommandée. Pourtant sa consommation a pratiquement disparu, et c'est là une question d'image. Le boeuf, surtout depuis qu'il n'est plus employé comme animal de trait n'est plus qu'un bifteck ou un pot au feu sur pattes et on ne comprend plus l'attachement sentimental du paysan pour "les deux grands boeufs dans son étable". Le cheval, lui, reste "la plus belle conquête de l'homme", "le fier coursier", Pégase qui symbolise l'inspiration des poètes (encore que dans ce cas précis une fâcheuse redondance évoque les moeurs de l'animal..), le mustang indomptable...N'en jetons plus. On ne boulotte pas un si noble animal qui est le seul à avoir une bouche comme nous. Or il est réduit à l'état de minerai de viande, expression qui fait gerber les plus endurcis par ce qu'elle évoque. On imagine le spectacle dantesque d'hommes-esclaves presque nus arrachant aux entrailles de la terre de gros blocs de barbaque mêlée d'os et de cartilage, dérapant dans la graisse qui ruisselle, vomissant tant l'odeur est insoutenable. De temps en temps des poches de gaz se forment comme dans le ventre des cadavres et une explosion se produit, ils sont enfouis sous des tonnes de matière et on ne retrouve jamais leurs cadavres dévorés par les asticots. Répugnant, non. il n'est pas imaginable qu' on puisse consommer de telle horreurs dans la patrie du bien-manger, dans notre doulce France. Chez nous les produits s'appellent par exemple "A la table de Spanghero". Les vieux croûtons se rappelleront les deux frères qui ont fait les beaux jours de l'équipe de France de rugby, les autres n'ont qu'à imaginer. Nous sommes dans une ferme du Sud-ouest où s'ébattent librement oies et cochons. Dans sa cuisine la matriarche prépare selon les recettes de sa grand-mère (photo jaunie au mur) qui les tenaient elle-même...cassoulets, confits, foie gras dans son chaudron, les brus les mettent dans des pots de terre vernissée. Autour de la grande table, le béret sur la tête et le couteau à la main, les frangins ont entamé une solide collation avec un sourire béat qui récompense leur vieille maman. Ah, le pouvoir des mots...En fait leur société, du reste rachetée par une coopérative basque (ajoutez la garbure au cassoulet), est mouillée jusqu'au cou dans cette gigantesque carambouille de trafiquants sans patrie. Pas étonnant que le cochon de consommateur rue dans les brancards, mais s'il ne veut pas péter comme une jument il ferait bien de laisser tomber ces viandes faisandées et de devenir végétarien.

Commentaires
R
Merci pour les vieux croutons ! C'est un vieux bougon qui s'insurge contre cette manière fort discriminatoire de parler des restes de pain que l'on grille et ajoute au potage au lieu de les jeter. Reste une question. Que vont devenir les barquettes de lasagnes mal étiquetées mais comestibles. Poubelle ? Banque alimentaire ? Quant au chien, j'en parle moi aussi dans mon billet d'aujourd'hui parce que cela pourrait bien arriver un jour. Il y a tant de gens malhonnêtes !
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