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Causons derechef
27 janvier 2013

Django déchaîné, Tarantino englué

Difficile de résister à la canonnade publicitaire pour le dernier Tarantino et, il faut bien le dire, au plaisir un peu pervers et honteux qu'on prend à aller voir ses films. Pourtant cette fois ça ne prend pas. Est-ce parce que l'esthétique du cinéaste ne semble pas convenir à des "grands sujets", ici l'esclavage aux Etats-unis, naguère le nazisme et les Juifs (je ne suis pas allé voir ce dernier film, craignant cette dissonance entre la forme et le fond) , ou plus simplement que la répétition entraîne la lassitude ? On retrouve ici tout ce qui a fait sa gloire mais ce qui avait été invention tourne à la vieille ficelle. Toujours des excès de violence censés la désamorcer mais qui sont avant tout là pour titiller le spectateur. On a le choix ici entre un homme déchiqueté par des molosses, les combats à mort d'esclaves et le massacre final. L'utilisation humoristique d'un langage décalé comme au début de Pulp fiction, mais justement c'est du déjà vu, les clins d'oeil (la présence de Franco Nero, héros du premier Django et la chanson de ce film). Cette dernière référence révèle aussi chez Tarantino la prétention de donner à son film une dimension mythique puisqu'il réutilise un héros de western même s'il s'agit d'un sous-genre : le western spaghetti. Rien, peut-être, ne souligne mieux la vacuité de son oeuvre que la reprise (coïncidence signalée par je ne sais plus quel critique de cinéma), de L'esclave libre de Raoul Walsh sur un sujet semblable et situé à la même époque (toutefois le récit de Walsh se prolonge jusqu'à la guerre de Sécession).C'est tiré d'une oeuvre du grand romancier Robert Penn Warren né en 1905 dans un Sud où l'esclavage appartenait à un passé très proche. Pas de manichéisme dans le roman non plus que dans le film (je sais bien que c'est intrinsèque au genre du western - auquel n'appartient pas le film de Walsh - mais la surenchère de cruauté entre les propriétaires de plantations dans celui de Tarantino n'engendre pas terreur et pitié, elle agace). Au contraire une analyse entre empathie et lucidité des rapports entre esclaves et maîtres. Ceux-ci peuvent être bons et n'en sont que plus dangereux : un "bon" maître est ruiné, ses esclaves sont vendus à l'encan et connaitront un sort bien pire, surtout le paternalisme désamorce une révolte nécessaire que seule la guerre permettra. Comme nous sommes dans un mélo l'amour, le dévouement, la reconnaissance, tous les beaux sentiments permettront de dépasser individuellement les haines. On voit évoluer des personnages avec des sentiments, des pensées et la mise en scène d'un des grands borgnes d'Hollywood n'a rien à voir avec l'esthétique de bande dessinée du petit bonhomme qu'est Tarantino. C'est cela le classicisme et ça n'a rien à voir avec les films pour lecteurs des "Inrocks".

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