Un "gérard" pour Depardieu ?
Décidément nous n'aimons pas les monstres. DSK, la bête sexuelle, l'insatiable prédateur, le baiseur infatigable, nous a été donné en pâture depuis plus d'un an. Maintenant c'est Depardieu, débordant de graisse, imbibé d'alcool, tonitruant et provocateur. En France ne soyez pas rabelaisien, ça fait mauvais genre, d'ailleurs un fils de prolo du Mans ça n'est pas fréquentable. Il y a ce point commun entre l'affaire qui se termine à peine et celle qui débute mais dont on peut penser qu'avec le goût des "vrais gens" pour les people et la chiennerie de la presse spécialisée, elle va durer autant. D'autant plus monstrueux le Gérard qu'il est hybride : l'acteur sensible de certains films de Duras, le comédien que s'arrachaient de prestigieux réalisateurs français et étrangers est aussi un bourgeois jouisseur, un proprio ventru qui ne veut pas qu'on touche à son magot et va le mettre sous la protection d'un des derniers dictateurs européens, emportant sa patrie à la semelle de ses souliers.Triste sire et triste fin, direz-vous, mais dans notre acharnement il y a tellement d'envie et d'hypocrisie que mon mépris ne va pas forcément à Depardieu qui me semble plutôt pitoyable. On va jusqu'à lui reprocher d'être gros et alcoolo, on pourrait aussi bien y déceler un mal-être que son ancien complice Dewaere a traité de façon plus radicale et qui vaut bien les certitudes tranquilles des pères-la-morale. On peut certes dénoncer son manque de patriotisme et d'esprit solidaire mais il y en a un certain nombre qui devraient regarder la poutre qui est dans leur oeil entre le fric planqué en Suisse, les niches fiscales, les fausses déclarations, les escroqueries diverses aux dépens des aides sociales. Sont plus difficiles à comprendre ses déclarations fracassantes sur le caractère démocratique d'une Russie qui n'a rien à envier à feue l'URSS ou son amitié affichée pour je ne sais quel satrape sarmate qu'il embrasse sur la bouche. Au-delà de son goût marqué pour l'excès et la provocation, on peut aussi trouver touchant ce petit pauvre fier de fréquenter les Grands de ce monde mais n'ayant pas assez de bon goût pour bien les choisir. A l'Orient flamboyant, cruel et profus, le Bourgeois préfère l'atmosphère feutrée et le cul serré de la Banque suisse aux noirceurs plus discrètes. Mais je crois que le plus laid dans le discours moralisateur à son égard c'est l'envie qui le sous-tend. Nous avons envié DSK, un des hommes les plus puissants du monde mais aussi surmâle qui se les offrait toutes, nous envions Depardieu, ses vignobles, son hôtel dans le VIème, ses revenus d'acteur. Chez ses pairs s'y ajoute la jalousie. Et chacun y va de sa posture, pour ou contre, l'essentiel c'est qu'on parle de lui. Bientôt on ne lui trouvera plus aucun talent, d'ailleurs on entend déjà :"Il ne joue plus que dans des navets", ce qui n'est pas tout à fait faux mais la faute en est aux jeunes réalisateurs qui ne font pas appel à lui peut-être parce qu'ils ont peur de la démesure du personnage qui n'est pas étalonné Femis. Que de bruit autour de cette banale affaire (ce dont il n'est probablement pas mécontent) alors qu'il n'a enfreint aucune loi si ce n'est morale. Qu'on lui fiche la paix et à nous aussi !