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Causons derechef
23 décembre 2012

Gérard Mortier ou "Touchez pas à mon grisbi!"

Parce qu'il est "interviewé dans "Le Monde" et bien que je ne connaisse pas grand chose à l'opéra, ça tombe sur lui. De toute façon il est parfaitement représentatif des directeurs de grandes institutions culturelles, opéras, théâtres, orchestres, qui pensent que tout leur est dû : salaires mirobolants, résidences somptueuses et surtout grasses subventions qui permettront à leur génie de s'exprimer. Qu'un pays qui connaît de graves difficultés économiques essaie de s'en sortir en réduisant ses dépenses, monsieur Mortier ne le supporte pas. Songez donc, on a réduit les salaires du personnel de 5%, peut-être même le sien mais je ne crois pas : seuls les accessoiristes ont un "salaire". Surtout on a osé toucher aux sacro-saintes subventions, donc à dame Culture elle-même. Comme il le dit avec une solennité qui n'exclut pas le poncif :"Nous avons besoin de l'art comme du pain de l'esprit", métaphore qu'ont de la peine à comprendre ceux qui, justement, manquent de pain. Il dénonce la démagogie d'un gouvernement qui préfère sauver des hôpitaux que ses "créations" et favorise plus le sport que la culture, qui fait des coupes brutales au lieu de réformer. On comprend que "réformer" c'est bien choisir à qui on donnera le magot "N'oubliez pas les artistes, siouplaît" et que les autres se débrouillent ! Visiblement les jésuites dont il fut l'élève n'ont pas su lui inculquer la solidarité .                                                                                                                                      Mais cet argent, me direz-vous, naïfs que vous êtes, il pourrait le trouver avec ce que lui rapportent les spectacles. La honte soit sur vous, on ne vous donnera jamais à gérer une grande institution culturelle : si l'autofinancement est supérieur à 50%, c'est que vous êtes un gestionnaire (suprême injure pour ceux qui dépensent de l'argent public), un vil démagogue, un poujadiste impénitent. Grâce à votre ego boursouflé vous pouvez affronter les sifflets (précision de l'intervieweur), les salles et les caisses vides. Vous êtes un génie, les cochons de payants ne vous méritent pas, vous qui essayez d'élever leur conscience politique en créant un spectacle sur l'extermination des Tziganes inspirée par la politique de Sarkozy ou sur le fascisme de Walt Disney.C'est cette absence de reconnaissance qui doit donner à Mortier cet air renfrogné à la Plenel (voir épisode précédent). Son engagement lui vaut de la part du journaliste l'épithète de "Don Quichotte iconoclaste". C'est ce qui s'appelle ne pas lésiner sur la pommade car enfin notre homme peut attaquer autant de moulins à vent qu'il veut, s'il est congédié ou, encore mieux, démissionne avec éclat, la Scala l'attend. Quant à l'iconoclastie, laissez-moi rire, on n'est pas plus correct politiquement. Il dénonce l'héritage franquiste du gouvernement Rajoy. 37 ans après la mort du Caudillo, tu parles ! Il condamne aussi vigoureusement les "dérives nationalistes" de certains pays européens et les discours identitaires, mais là il s'emmêle un peu les pinceaux puisqu'il leur oppose une "vraie identité européenne" avec un socle commun. En autres termes, l'Europe chrétienne avec une identité nationale, fièrement campée sur sa péninsule et prête à défendre ses valeurs contre les envahisseurs du Sud... Il manifeste décidément autant de rigueur dans sa pensée politique que dans sa gestion des deniers publics.

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