Plus de BAC dans les "quartiers" mais des policiers gentils !
Faut-il donc condamner, voire dissoudre la BAC après le scandale qui a éclaté à Marseille ? Le fait que ce soit dans cette ville où règnent corruption et clientélisme apporte déjà un élément de réponse. Le "Monde" d'hier qui offre un article d'analyse et une tribune sur la question peut-il aider à la réflexion ?
Celle-ci ne sera pas facile puisque le journaliste et le sociologue qui a pondu la tribune se contredisent déjà sur les faits. L'un fait remonter la création de la BAC à 1991 et en fait l'héritière de brigades spécialisées dans le flagrant délit qui se sont succédé depuis les années 60. L'autre donne les dates de 1994 et 1996 et refuse de voir une filiation avec des structures antérieures. A propos de son activité le journaliste donne des chiffres : 50% de ses tâches consisteraient en surveillance et sécurisation, l'autre moitié à lutter contre la criminalité. Pour celle-ci il donne l'exemple de la BAC nocturne de Paris qui traite à part égale cambriolages, violences et délits routiers. Le sociologue prétend, lui, qu'il n'y a pas de données disponibles à cause d'un contrôle croissant du gouvernement sur la statistique et la recherche. Moyennant quoi il établit (au doigt mouillé ?) que l'essentiel de l'activité de la brigade consiste à contrôler l'identité des jeunes et des étrangers dans les "quartiers", donc à traquer les "usagers de cannabis" (apparemment on n'en vend pas en ces lieux non plus que de drogues dures) et les sans-papiers (comme si vivre dans un pays avec un visa périmé n'était pas un délit). Qui se trompe, le journaliste ou le chercheur dont le quotidien ne nous fait grâce d'aucun des titres prestigieux ? Or nous faire part de ceux-ci sans nous dire d'où il parle est malhonnête. Ce qu'on savait pour des gens célèbres comme Bourdieu on l'ignore pour beaucoup d'autres chercheurs, or en sciences sociales ils sont rarement neutres et cela biaise leur expertise. C'est bien le cas de Didier Fassin comme le révèle son analyse du rôle politique et social de la BAC. Elle aurait été un instrument de reconquête du pouvoir par la Droite qui a cherché à remobiliser son électorat sur les questions sécuritaires (avec emprunt à l'extrême-droite, vous vous en doutez...). Aucun sens de l'Etat et de l'ordre public, donc, chez les deux Machiavel des Hauts-de-Seine. Ces brigades sont chargées de maintenir dans les cités un ordre social inégalitaire en enchaînant provocations et répression. Chacun, jeune et étranger, délinquant ou non devra apprendre à rester à sa place. Ce rôle de la police (qualifiée "d'exception) et sa présence exclusive dans certains quartiers sont pour D.Fassin "une rupture d'égalité des citoyens devant leur police". Cette formule laisse rêveur. Faut-il donc une égale répartition des flics sur le territoire, proportionnelle à la population ? La délinquance serait-elle égale à Guéret et à Fontenay-sous-bois ? Et le grand principe de gauche "donner plus à ceux qui ont moins" ?
Que propose le sociologue à part la dissolution des BAC ? Une évaluation "indépendante" de la police et une refonte générale des rapports entre celle-ci et la population après consultation des chercheurs, des élus, des associations d'habitants (il risque d'être décu s'il organise un réunion sur le thème de la sécurité dans les "quartiers", les esprits se sont tellement lepénisés...). Il donne un coup de chapeau en passant à la police de proximité sans penser qu'elle engendre la corruption comme la nuée l'orage. Son principe est de rester longtemps dans le même quartier pour bien le connaître : il est tentant alors de monnayer sa protection ou de savoir fermer ses yeux et ses oreilles pour ne pas voir le "grand frère" dealer et ne pas entendre la cri aigu des filles chatouillées au fond des caves. Aider les mammas africaines à pousser leur chariot de supermarché ou fumer le joint de l'amitié entretiendra-t-il la paix sociale ?