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Causons derechef
17 novembre 2024

D'un film d'Alain Cavalier et de la nostalgie des années 60

Revu cette semaine "Mise à sac", bon film d'Alain Cavalier au scénario diabolique. Jugez-en. Un ex-contremaître, qui s'est assuré le concours de malfrats chevronnés, monte un coup fumant : attaquer une petite ville de province et, en une nuit, vider les coffres des banques, d'une bijouterie, de la poste et de l'usine du lieu qui doit payer ses ouvriers le lendemain. A minuit les derniers cafés et cinémas ferment et il n'y a plus un chat dans les rues. Il suffit alors de neutraliser le commissariat et contrôler le standard de la poste pour être à l'abri de curieux et repartir avec des millions. Réussiront-ils? Je ne vous le dirai pas pour ne pas "spoiler" le film si vous avez l'occasion - rare - de le voir, mais mon propos est ailleurs. Ce film, tourné en 1966 dans plusieurs petites villes de province, a un parfum authentique des années 60, celles de mon adolescence et a éveillé pas mal de souvenirs.

Un mot, par exemple, a fait tilt, "Facel Vega". cette marque de voitures de sport françaises a disparu dans les années 60. Le jeune patron de l'usine fait vrombir la sienne dans les rues désertes de la ville : après minuit tout s'éteint et tout le monde dort. En bon patron féodal il séduit les plus jeunes et plus belles ouvrières et les détourne du droit chemin. Imaginez maintenant : il aurait sur le dos les syndicats et me too. Il habite un château somptueusement meublé avec un grand parc. Les patrons sont devenus plus discrets de nos jours et vont dépenser ailleurs leurs gros sous. Je me souviens avoir lu quelque part que Fernand Reynaud avait une Facel Vega et c'est toute une époque qui revit : le 22 à Asnières, ça eût payé, mademoiselle de Longbecque... Le 22 à Asnières, justement, nous amène à la Poste où les malfrats doivent contrôler le standard local où on retrouve 3 employées, une cheffe coincée et 2 jeunes filles en blouse de l'équipe de nuit  prêtes à répondre à tous les appels urgents en jouant avec les fiches de leur tableau, le téléphone avec une voix  humaine et des "demoiselles". L'une d'elles, la plus jolie, ne sera pas insensible au charme d'un des bandits chargée de la contrôler, comme dans les histoires de "Confidences". Il y aura bien quelques alertes : une bande de jeunes à moto faisant un rodéo dans les rues silencieuses, un jeune séducteur quittant le lit de sa petite amie pour regagner le sien, mais tout restera sous contrôle. Petit détail qui a son prix : on cadre les amants nus dans leur lit et la donzelle arbore un magnifique buisson noir sous les bras, les ignobles rasages et déodorants n'ont pas encore exercé leurs ravages. Pendant ce temps dans les banques, bijouteries, dans la grande surface du lieu, au siège de l'usine où la paie des ouvriers attend d'être distribuée le lendemain dans ces enveloppes qu'on pouvait palper, où on pouvait entendre le froissement des fafiots promettant de nombreuses tournées d'apéros ou une machine à laver pour la daronne, partout les perceurs de coffres s'affairent avant de connaître l'émotion que procure l'ouverture de la porte et la vue du pactole. Ils sont protégés par leurs complices qui patrouillent dans les rues de la ville dans la voiture qu'ils ont volée aux pandores arrachés à leur paperasserie et bouclés en cellule, et l'on voit avec émerveillement ces boutiques et magasins aux coquettes vitrines, et l'on pense à  ce que sont devenues les rues commerçantes dans nos petites villes : des rideaux baissés quand ce ne sont pas des grands panneaux de bois où se décolle une affiche "à vendre". Décidément qui a connu la douceur de vivre ne s'en remettra jamais. Heureusement qu'il me reste le cinéma...

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