C'est ainsi que ma défunte belle-mère - Dieu ait son âme - avait surnommé la préfecture de l'Orne. C'était une parisienne de vieille souche que son mari amena en province où il exerçait. Parfois, saisie de nostalgie, elle descendait dans la cave de sa maison dont les soupiraux donnaient sur une rue passante, le bruit de la circulation automobile et l'obscurité lui évoquaient le métro.Cela dit, elle finit par s'habituer à la calme vie de province dans cette ville un peu endormie où on pouvait retrouver des traces des deux romans de Balzac dont elle est le cadre : La vieille fille et Le cabinet des antiques. Ou alors on pouvait imaginer les Martin se rendant tous les matins à l'église suivis de leurs filles alignées comme dans la famille Fenouillard.La seule marque de modernité était l'usine Moulinex, à la périphérie, qui donnait du travail aux paysans des alentours obligés de se reconvertir. Que les temps sont changés! (tiens, je m'aperçois que cet hémistiche racinien devient récurrent chez moi) si elle revenait dans sa ville d'adoption, elle serait épouvantée. Des affrontements ethniques entre immigrés et réfugiés y font parfois des morts, les quelques commerçants qui restent dans les rues du centre sont l'objet de menaces, de vandalisme ou de cambriolages, les douillets restaurants provinciaux ont été remplacés par des kebabs, des zombies drogués errent dans les rues du centre où leur tiennent compagnie des ivrognes titubant, et la pratique des rodéos ou des roues arrière n'a rien à envier à celle des désormais célèbres "Daltons" lyonnais. La bourgeoisie frémit, le petit peuple laisse éclater sa colère dans les derniers bistrots et la mairie lève les bras au Ciel qui paraît tout-à-fait indifférent... Les maux qui ne frappèrent d'abord que les "quartiers" des grandes villes, se sont étendus à des sous-préfectures qu'on coyait endormies. Ce furent d'abord des petites villes du Midi et on s'est dit, ça n'est pas étonnant : diagonale du vide, désertification, populations mal intégrées, laisser-aller général (eh oui, c'est ainsi qu'on vous juge dans la France du nord...). Mais voici que nos paisibles contrées de l'Ouest sont touchées, est-ce donc la fin des haricots, ou plutôt des mojhettes?

On ne peut l'ignorer, face à de tels évènements, l'exaspération monte et se manifeste notamment dans les sondages. "Le Monde", qui se targue toujours d'être plus fin et plus honnête que le reste de ses confrères, a beau dire que ceux-ci sont manipulés, on peut au moins juger d'une tendance et celle-ci est nettement xénophobe, car il est toujours commode de trouver un bouc émissaire, et en demande de plus de sécurité. Les sondés s'en prennent notamment à la politique migratoire du gouvernement, une moitié d'entre eux réclament même la fin du droit du sol et du regroupement familial, deux tiers jugent "qu'il y a trop d'étrangers en France". Si beaucoup d'hommes politiques surfent sur la vague en gardant quelque mesure, d'autres ne prennent pas de gants, notamment monsieur Z, le dernier en date, qui ferait passer Marine Le Pen pour une gauchiste bêlante et qui est assez vaniteux pour prétendre à la magistrature suprême. Tout montre qu'il n'y arrivera pas, mais sait-on jamais? Laissons un peu gambader notre imagination...Arc-boutés sur leur soi-disant légitimité, les candidats se sont présentés nombreux et les suffrages se sont dispersés. Le résultat ne s'est pas fait attendre : arrivent en tête les 2 candidats d'extrême-droite portant les revendications des gens de peu bien décidés à "sortir les sortants". Coup de tonnerre sur Landerneau, va-t-on être obligé comme en 2002 de choisir entre la peste et le choléra, d'ailleurs où est l'une et où est l'autre? Faut-il choisir Pétain ou Jeanne d'Arc, la fille de son père ou le fils de ses oeuvres, la Blonde ou l'enfant du Maghreb, le méchant ou la gentille? On entend des appels pathétiques dans un sens ou dans un autre, il y a quelques ralliements à l'un ou à l'autre,la Gauche se ronge les sangs, les manifestations se multiplient, la Terre entière rigole de ces Français vaniteux toujours prêts à donner au Monde des leçons de démocratie. Le désordre est tel que le pays semble s'effondrer. C'est alors que...je vous le donne en cent, je vous le donne en mille... le brav'général de Villiers est arrivé, a repris le commandement de l'armée et a remis de l'ordre dans ce bordel (sic). Oui, bon, d'accord, ce ne sera pas exactement comme ça, mais croyez-moi : on va rigoler en 2022.