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Causons derechef
17 septembre 2021

Jean Guéhenno :"Journal des années noires"

J'avoue que jusqu'à maintenant je n'avais pas une grande estime pour Guéhenno que, du reste, je n'avais pas lu. Prof de khâgne, collaborant à "Europe" et à "Vendredi", il était pour moi une caricature d'intellectuel de gauche que le mot fameux de Gide, "Comme il y a des gens qui parlent du nez, monsieur Guéhenno parle du coeur", avait définitivement ridiculisé. Or son "Journal des années noires" est tout à fait remarquable comme témoignage de la vie sous l'Occupation et je n'en connais qu'un équivalent, c'est "Déposition" de Léon Werth. S'il parlait du coeur, il a su aussi parler de l'honneur au moment de l'armistice. Cet ancien pacifiste aurait voulu qu'on ne cède pas à la panique ou à de plus noirs desseins et que l'on continue la guerre avec la Flotte et l'Empire. Il n'aura de cesse de dénoncer cette honte et cette souillure qu'incarnent le maréchal Pétoche (mot de l'époque), Laval et tous les ambitieux frustrés qui obtiendront prébendes et pouvoir. Sa plume est féroce pour dénoncer les plumes serves. Du reste personne, ou presque,n'est nommé. Il se contente d'initiales anonymes, à la fois par morale et pour les humilier par l'anonymat. Quelques exceptions : Drieu avec qui il semble avoir eu une relation privilégiée et Chardonne un jour où il avait écrit une phrade particulièrement ignoble. Son mépris se marque par un leitmotiv qui ne passerait pas à notre époque: il revient souvent sur le nombre de "pédérastes chez les écrivains collabos (et, de fait...).Il dénonce ceux qui font carrière du désastre et ceux qui se font les amuseurs de la servitude" (Sartre y passe...). Il fréquente Paulhan, qui réussit à le dérider, Blanzat, Mauriac. Il évoque surtout la vie quotidienne à Paris que je n'avais jamais imaginée si tragique. La faim, les contrôles permanents, la vue de l'occupant à laquelle on ne peut échapper, mais surtout, à partir de 1941, les explosions la nuit, les listes d'ôtages, les fusillés. Certains vont en pélerinage à la Vallée aux loups où l'on voit des hêtres à l'écorce déchiquetée car on y a attaché les suppliciés. Puis les bombardements prendront le relais des attentats de la Résistance et peu à peu l'espoir renaîtra, mais le chemin sera long de l'invasion de l'Urss au Débarquement. et l'atmosphère sera pesante : mouchardages, dénonciations. Des amis disparaissent, il cache tant bien que mal son journal. A la rentrée 43 Vichy le rétrograde à cause de ses cours en khâgne où il prêchait à mots couverts la résistance à des étudiants sonnés par la défaite( beaucoup, d'ailleurs,rejoindront le maquis). Il arrête son journal à l'entrée de la division Leclerc dans Paris, après avoir fait une description fiévreuse des combats, et il conclut :"La liberté, la France recommence".
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7Bruno Jacquemin-Sablon, Thierry Blin et 5 autres personnes
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