Le déconfine-ment
Ce déconfinement est une mascarade (si j'ose dire, parce que les masques...), on a juste allongé un peu la longe du bourricot pour qu'il puisse brouter deux ou trois maigres touffes d'herbe supplémentaires. Qu'y ai-je gagné, moi misérable citoyen "rouge" : de pouvoir me faire couper les cheveux, aller en librairie et jouir des beautés de Creil ou de Montereau-Fault-l'Yonne en prenant ma voiture. C'est dérisoire et, du reste, les "verts" n'ont guère plus de plaisir et de liberté que moi. Au gouvernement c'est toujours la grande Frousse et on a aligné les mesures absurdes et souvent vexatoires bien éloignées des lendemains promis.
Une des plus stupides, qui concerne uniquement la zone de relégation, est la fermeture des parcs et jardins. Est-il si difficile de comprendre qu'en ville les gens ont besoin de prendre l'air, de voir de la verdure (ce qu'ont montré hier soir les jeunes urbains qui, fuyant leurs appartements trop petits, ont voulu prendre l'apéro au bord du canal Saint-Martin). Un parc est un endroit où la "distanciation sociale" (quelle horrible expression!) s'exerce sans encombres dans de larges allées ou sur les pelouses , où cohabitent harmonieusement les enfants et les vieillards. Mais les enfants, leurs jeux...me direz-vous. Outre qu'ils risquent très peu, ce n'est pas pire que dans une cour d'école, et de toute façon les mères et les nounous philippines sont là pour veiller au grain. Et si, dans quelque allée étroite et secrète, un couple amoureux s'embrasse et se pelote, c'est leur affaire, qu'on les laisse vivre! Sottise du même genre l'interdiction des plages par des préfets ivres d'un pouvoir qu'on semble leur avoir rendu en dépit de la décentralisation. Je pense avant tout aux plages immenses de la façade atlantique si favorables aux longues promenades, mais même sur de petites plages les gens ne sont pas littéralement "les uns sur les autres", chacun s'aménage un espace vital minimum qui correspond à la fameuse "distanciation sociale". Que soient ouverts aussi tous les sentiers de forêts et montagnes, tous les chemins de pèlerinage!
Ce gouvernement, on le sait, ne favorise pas la Culture dont le ministre est l'ectoplasme Riester, le croque-mort qui prend des notes pendant que son maître parle et enfourche des tigres. Il se donne un mince alibi, rouvrir les librairies, pour laisser fermé tout le reste. Pas de musées, pas de concerts (je donne à ce mot son acception traditionnelle, rien à voir avec la Hellfest), pas de théâtre, pas de cinéma. Un peu gênés d'avoir fermé les grands musées (on se demande bien pourquoi, ils n'y vont jamais),ils prétendent ouvrir bientôt les "petits". Personne n'a compris desquels il s'agissait. Personne n'a compris non plus ce qui empêchait de contingenter les entrées et d'imposer le port du masque (ah, les selfies de mystérieux Asiatiques masqués devant la Joconde). Personne ne s'est avisé non plus que la flot des touristes étant interrompu, la question de la "distanciation" ne se poserait pas puisqu'ils constituent les trois quarts du public habituel.et nous perdons l'occasion rare d'une visite en toute sérénité sans jouer des coudes ni fusiller du regard les butors bruyants. Quant au cinéma, c'est à pleurer. Combien de petites salles d'art et d'essai indépendantes vont-elles pouvoir résister à des mois de fermeture? Ici aussi contingentement et masques auraient fait l'affaire. Ce sont ces salles qui ont la meilleure programmation, mais Macron s'en fout : le grand film qui l'a marqué, c'est celui de Ladj Ly, alors les cinéphiles...Place donc au ciné-pop corn qui diffuse à Guéret les mêmes navets qu'à Paris. Occuper, seul et masqué, une loge de théâtre en braquant sa lorgnette sur une belle et mystérieuse inconnue au parterre, voilà un autre plaisir dont on nous prive. Il nous reste les séries télé. Triste.
Dernier outrage et dernière atteinte à nos libertés, le cercle d'un rayon de 100 km où nous serons enfermés encore quelques semaines (comment puis-je dire "quelques semaines" quand nos pions nous font les gros yeux et nous menacent sans cesse de punitions pour nous apprendre à vivre dans l'hygiène et la vertu?). On nous jette cette misérable aumône comme un os à un chien en se disant :"ça va les faire taire!". Cela devrait, au contraire, faire monter la révolte, nous inciter à regagner notre datcha dans l'île de Ré ou rendre visite à notre vieille tantine dans la Creuse. Bougeons, bougeons, pour nous dégourdir les jambes et les méninges. Que les Véran ou autres Castaner se méfient: le rassemblement sur les berges du canal Saint-Martin est un signe, d'autres manifestations semblables suivront. L'exaspération monte. Attendre que toutes les chaînes de contagion soient rompues et que tout le monde soit immunisé, autant attendre la semaine des 4 jeudis. Fallait pas nous promettre les jours heureux, on n'en peut plus de les attendre...