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Causons derechef
1 novembre 2019

Complainte des cinés disparus

La disparition récente du cinéma "La clef" dans le Vème m'en a rappelé bien d'autres dans ma vie de cinéphile parisien commencée à la fin des années 60 et poursuivie de façon systématique jusqu'à maintenant. Je me suis longtemps cantonné au Quartier latin et à Saint-Germain où les salles d'art et d'essai ont pignon sur rue, avant d'y ajouter Montparnasse. Puis j'ai mis du temps à passer l'eau, à part quelques incursions sur les Champs-Elysées (je me rappelle par exemple y avoir vu Les désarrois de l'élève Törless), et quand je l'ai fait, la plupart des salles de quartier passant de vieux westerns en vf, des films de kung fu ou d'espionnage, avaient disparu et de toute façon j'étais trop sérieux pour m'intéresser au cinéma de genre. Je le regrette maintenant, mais la liste de mes disparitions est déjà assez longue...

  J'ai donc hanté avant tout le Quartier latin et continue de le faire. Dans ce haut-lieu de la cinéphilie, que de disparitions pourtant! La rue Saint-Séverin et la rue de la Harpe abritaient 4 salles ("studios Saint-Germain, Saint-Séverin, de la harpe et Saint-Germain Huchette") ce qui en faisait le pendant de la rue Champollion qui a gardé les siennes (le "Reflet" s'appelait alors "Logos" et la "Filmothèque" "Utopia", ça avait plus de gueule...). On y passait des films d'art et d'essai et politiques (proximité de Maspéro?). Non loin de là le "Styx" tenait les promesses de son nom : films d'épouvante et décor de squelettes. Plus loin le "Seine" a projeté pendant des mois India song et des films d'Alain Fleischer. Je crois bien qu'il est devenu un Hippopotamus (sic transit...). Le "Cluny palace" qu'abritait un beau bâtiment a ressuscité une fois et a fini par être emporté, devenu d'abord une Fnac-info, puis (oh, horreur), une salle de sport). Saluons au passage le "Latin", seul porno du quartier, disparu dans les années 90. Un peu à l'écart le "Studio de la Contrescarpe". les dieux ont peut-être été moins cruels à Saint-Germain, mais les sympathiques"Cinoches" en bas de la rue de Condé ont disparu, comme l'austère "Bonaparte" vers Saint-Sulpice et le "Christine" a cédé une de ses salles aux Mormons ou aux Témoins de Jéhovah. Dans le VIIème il ne reste plus aucun cinéma, je me souviens pourtant avec nostalgie du "studio Bertrand", un des derniers cinémas permanents de Paris qui projetait des classiques du cinéma américain (j'y ai vu Beat the devil de Huston). Je regrette moins la "Pagode" où la programmation était très en dessous du décor. Dans le 14ème un des "Olympic" de Frédéric Mitterrand a fermé, l'autre résiste encore grâce à sa programmation originale et peut-être à son restaurant. Dans le XVème le "Grand pavois" l'a baissé (c'était au fin bout de la rue Lecourbe) et le Kinopanorama a coulé, qui avait le plus grand écran de la capitale (j'y suis allé une fois pour voir).

  Passons rive droite où certains arrondissements comme le IXème avaient plus de 30 cinémas à la sortie de la guerre.Il en reste bien peu même si le nombre de salles doit être sensiblement le même. Au centre de Paris a disparu le "Victoria" où j'ai pu voir le propriétaire faire lui-même le ménage d'une salle qu'il tenait à bout de bras, (comme c'était aussi le cas au  "Saint-André des arts"). Il y projetait de vieux bons films dans des copies usées et les toilettes y étaient ce qu'elles étaient...Dans le même quartier rappelons que le "CinéRivoli" fut détruit par un attentat à la suite d'un festival de cinéma juif. Je me souviens d'y avoir eu bien froid un certain hiver. Rare salle d'art et d'essai sur les boulevards, le "Sébastopol" où l'ai vu pour la première fois La nuit du chasseur. Évoquons au passage le "Pathé impérial" pour son nom et le "Beverley", près de l'église Bonne nouvelle, qui fut à ma connaissance le dernier porno de Paris : il fonctionnait encore il y a quelques années. J'ai fréquenté un peu "l'Action Lafayette", très militant, qui disparut assez vite, et surtout le "Studio 43", rue du faubourg Montmartre qui, sauf erreur devint le "Passage du nord-ouest", ciné-café-salle de concert, qui périt corps et biens. Je n'ai jamais connu la Cinémathèque rue d'Ulm et j'ai commencé à la fréquenter à Chaillot (vous rappelez-vous, cinéphiles, ce chat très familier, nourri au jardin, qui vous suivait dans la salle et pouvait même sauter sur vos genoux?). Elle s'installa ensuite provisoirement  au "Républic cinéma" rue du Faubourg-du-temple, puis au "Brooklyn", porno du bvd Bonne-nouvelle, avant de rejoindre Bercy. Plus au nord disparurent 2 salles folkloriques que je fréquentais occasionnellement : le" Berry zèbre", qui en arborait un magnifique sur sa façade, et que la population bellevilloise mobilisée ne parvint pas à sauver, et mon préféré, le "Rialto Bananas" rue de Flandre (eh, oui), qui portait haut la culture cinématographique dans ce quartier défavorisé. A l'opposé, rappelons la splendide salle fin-de-siècle du "Ranelagh" où j'allais une fois lors de mes explorations des beaux quartiers. Disons, pour finir, que malgré toutes ces disparitions qui vous rendent mélancolique, Paris reste, et de loin, par son maillage de salle et la richesse de sa programmation, la première ville du monde.

NB : 2 livres hautement recommandables ont pallié les défaillances de ma mémoire :

 - Guide des cinémas à Paris (C.Chenebault et M.Gaussel), éd.Syros, 1992

 - Les cinémas de Paris 1945-95 (V.Champion, B.Lemoine et C.Terreaux) Délégation à l'action artistique de la ville de Paris, 1995

  

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